L'héliographie par les lettres


Le visiteur trouvera réunie dans cette section l’intégralité des références à l’héliographie contenues dans la correspondance de Nicéphore Niépce. Ces extraits relatifs à l’invention de la photographie sont présentés dans l’ordre chronologique ; ils débutent avec les premières expériences réalisées par Nicéphore au mois de mars 1816 et s’achèvent avec le décès de Nicéphore Niépce. Avec la signature du contrat d’association avec Daguerre le 14 décembre 1829, l’héliographie disparaît progressivement au profit de nouvelles recherches menées en commun avec le peintre parisien. Cependant, entre 1829 et 1833, Nicéphore Niépce évoque encore l’héliographie avec d’autres interlocuteurs que Daguerre.

Sont rassemblés ici uniquement les extraits de lettres traitant de l'héliographie (la Notice sur l’héliographie est ainsi traitée dans une section à part), le but de cette « compilation » étant de montrer de quelle manière et en quels termes Nicéphore Niépce et ses correspondants évoquaient l’héliographie. Les extraits ne sont pas annotés. Pour une analyse approfondie des informations contenues dans ces manuscrits, nous renvoyons le visiteur aux transcriptions intégrales annotées des lettres (Niveau « la correspondance »).

Légende des abréviations : AAS (Archives de l’Académie des Sciences, Paris) ; ASR (Académie des Sciences de Russie, Saint-Pétersbourg) ; BNF (Bibliothèque nationale de France, Paris) ; MNN (Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône).

 

 

1816


21 mars 1816 - Nicéphore Niépce à Claude Niépce (document original perdu)

Le séjour de Ternant ici, ne m’a pas permis de continuer les expériences dont je m’occupais. d’après un ou deux essais, que j’ai faits à la dérobée, j’ai lieu de bien augurer du procédé en question. Il me tarde pour cela de retourner à Saint-Loup où nous serions déjà, sans quelques affaires qui nous retiennent encore malgré nous à la ville.

 

 

1er avril 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

Les expériences que j’ai faites jusqu’ici, me portent à croire que mon procédé reussira bien quant à l’effet principal ; mais il faut parvenir à fixer la couleur : c’est là cequi m’occupe dans ce moment, et c’est cequ’il y a de plus difficile. Sans cela la chose n’aurait aucun mérite, et il faudrait m’y prendre d’une autre manière.

 

 

12 avril 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (document original perdu)

Je profite du peu de temps que nous avons à passer ici, pour faire faire une espèce d’oeil artificiel qui est tout simplement une petite boîte carrée de six pouces de chaque face ; laquelle sera munie d’un tuyau susceptible de s’allonger et portant un verre lenticulaire. Je ne pourrais sans cet appareil me rendre complètement raison de mon procédé. Je m’empresserai de t’informer du résultat de l’expérience que je compte faire lorsque nous serons de retour à Saint-Loup.

 

 

22 avril 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je comptais faire hier l’expérience dont je t’ai parlé ; mais j’ai cassé mon objectif dont le foyer était le mieux assorti aux dimensions de l’appareil. j’en ai bien un autre, mais qui n’a pas le même foyer ; cequi nécessitera quelques petits changemens dont je vais m’occuper. ce retard ne sera pas long et bien sûrement j’aurai le plaisir de te mander dans ma prochaine lettre, le résultat que j’aurai obtenu : je souhaite, sans trop l’espérer, qu’il justifie l’intérèt que tu veux bien me témoigner à ce sujet.

 

 

5 mai 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

tu as vu par ma dernière lettre, que j’avais cassé l’objectif de ma chambre obscure ; mais qu’il m’en restait un autre dont j’espérais pouvoir tirer parti. mon attente a été trompée : ce verre avait le foyer plus court que le diamètre de la boîte ; ainsi je n’ai pu m’en servir. nous sommes allés à la ville lundi dernier ; je n’ai pu trouver chez Scotti qu’une lentille d’un foyer plus long que la première, et il m’a fallu faire allonger le tuyau qui la porte, et au moyen duquel on détermine la vraie distance du foyer. nous   3 sommes revenus ici mercredi soir ; mais depuis ce jour là le tems a toujours été couvert cequi ne pas permis de donner suite à mes expériences, et j’en suis d’autant plus fâché qu’elles m’intéressent beaucoup. il faut se deplacer de tems en tems, faire des visites ou en recevoir : c’est fatiguant : je préférerais, je te l’avoue, être dans un désert. lorsque mon objectif fût cassé, ne pouvant plus me servir de ma chambre obscure, je fis un oeil artificiel avec le Baguier d’Isidore, qui est une petite boîte de 16 ou 18 lignes en quarré. j’avais heureusement les lentilles du Mycroscope Solaire, qui comme tu le sais, vient de notre grand-pere Barrault. une de ces petites lentilles se trouva précisément du foyer convenable, et l’image des objets se peignait d’une manière très- nette et très-vive sur un champ de 13 lignes de diamètre. je plaçai l’appareil dans la chambre où je travaille ; en face de la volière, et les croisées bien ouvertes. je fis l’expérience d’après le procédé que tu connais, Mon cher Ami ; et je vis sur le papier blanc toute la partie de la voliere qui pouvait être appercue de la fenêtre, et une légère image des croisées qui se trouvaient moins éclairées que les objets extérieurs. on distinguait les effets de la lumière dans la représentation de la volière, et jusqu’au chassis de la fenêtre. ceci n’est qu’un essai encore bien imparfait ; mais l’image des objets était extrêmement petite. la possibilité de peindre de cette manière, me parait à peu près démontrée ; et si je parviens à perfectionner mon procédé, je m’empresserai en t’en faisant part, de répondre au tendre intérèt que tu veux bien me témoigner. je ne me dissimule point qu’il y a de grandes difficultés. surtout pour fixer les couleurs ; [mais avec] du travail et beaucoup de patience on peut y faire bien des choses. ceque tu avais prévu est arrivé, le fond du tableau est noir, et les objets sont blancs, c’est à dire plus clairs que le fond. je crois que cette maniere de peindre n’est pas inusitée, et que j’ai vu des gravures de ce genre : au reste il ne serait peut être pas impossible de changer cette disposition de couleurs ; j’ai même la dessus quelques données que je suis curieux de vérifier.

 

 

9 mai 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je viens de construire une autre chambre obscure qui tient le milieu entre la petite et la grande, et j’ai employé à cet effet, une lentille de notre ancien Mycroscope, qui est fort bonne et qui va très bien. je pourrai de cette manière comparer mes expériences et en faire au moins deux à la fois, cequi sera très avantageux. j’ai oublié de te dire dans ma derniere lettre, qu’il n’est pas nécessaire pour opérer, que le soleil luise ; et que le mouvement de cet astre n’occasionne aucun changement dans la position de l’image :du moins je ne m’en suis point apperçu, et j’aurais dû le remarquer.

 

 

19 mai 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je joins deux gravures faites d’après le procédé que tu connais. la plus petite provient du Baguier, et l’autre de la Boîte dont je t’ai parlé qui tient le milieu entre le Baguier et la grande Boîte. pour mieux juger de l’effet, il faut se placer un peu dans l’ombre. il faut placer la gravure sur un corps opaque et se mettre contre le jour. cette espèce de gravure s’altérerait je crois à la longue quoique garantie du contact de la lumière, par la réaction de l’acide nitrique qui n’est pas neutralisé. je crains aussi qu’elle ne soit endommagée par les secousses de la voiture. ceci n’est encore qu’un essai ; mais si les effets étaient un peu mieux sentis (.ceque j’espère obtenir.) et surtout si l’ordre des teintes était interverti, je crois que l’illusion serait complette. ces deux gravures ont été faites dans la chambre où je travaille, et le champ n’a de grandeur que la largeur de la croisée. j’ai lu dans l’abbé Nollet que pour pouvoir représenter un plus grand nombre d’objets éloignés, il faut des lentilles d’un plus grand foyer, et mettre un verre de plus au tuyau qui porte l’objectif. si tu veux conserver ces deux rétines, quoique elles n’en valent guère la peine, tu n’as qu’à les laisser dans le papier gris et placer le tout dans un livre. je vais m’occuper de 3 choses : 1°. de donner plus de netteté à la représentation des objets ; 2°. de transposer les couleurs ; 3°. et enfin de les fixer, cequi ne sera pas le plus aisé ; mais comme tu le dis fort bien, Mon cher Ami, nous ne manquons pas de patience, et avec de la patience on vient à bout de tout. si je suis assez heureux pour perfectionner le procédé en question je ne manquerai pas de t’adresser de nouveaux échantillons pour répondre au vif intérèt que tu veux bien prendre à une chose qui pourrait être utile aux arts, et dont nous pourrions tirer bon parti.

 

 

21 mai 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je compte reprendre demain mes expériences, et tâcher d’abord d’obtenir une représentation plus nette et mieux prononcée des objets. si je réussis je m’empresserai de t’adresser de nouvelles epreuves dans ma prochaine lettre.

 

 

28 mai 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

Je m’emprèsse de te faire passer quatre nouvelles épreuves 2 grandes et 2 petites que j’ai obtenues plus nettes et plus correctes à l’aide d’un procédé très simple, qui consiste à rétrécir avec un disque de carton percé, le diamètre de l’objectif, l’intérieur de la boîte étant moins eclairé, l’image en devient plus vive, et ses contours ainsi que les ombres et les jours sont bien mieux marqués. tu en jugeras par le toit de la voliere, par les angles de ses murs ; par les croisés dont on apperçoit les croisillons : les vitres même paraissent transparentes en certains endroits. enfin le papier retient exactement l’empreinte de l’image colorée ; et si l’on n’apperçoit pas tout distinctement, c’est que l’image de l’objet représenté étant très petite, cet objet parait tel qu’il serait s’il était vu de loin. d’après cela, il faudrait comme je te l’ai dit, 2 verres à l’objectif pour peindre convenablement les objets éloignés et en réunir un plus grand nombre sur la rétine ; mais ceci est une affaire à part. la voliere étant peinte renversée, la grange ou plutôt le toît de la grange est à gauche au lieu d’être à droite. cette masse blanche qui est à droite de la volière au dessus de la claire voie qu’on ne voit que confusément, mais telle qu’elle est peinte sur le papier par la réflexion de l’image : c’est le poirier de beurés blancs qui se trouve beaucoup plus éloigné ; et cette tache noire au haut de la cime, c’est un éclairci qu’on apperçoit entre les branches. cette ombre à droite indique le toît du four qui parait plus bas qu’il ne doit être, parceque les Boîtes sont placées à 5 piés environ au dessus du plancher. enfin, Mon cher Ami, ces petits traits blancs marqués au dessus du toît de la grange, ce sont quelques branches d’arbres du verger qu’on entrevoit et qui sont représentées sur la rétine. l’effet serait bien plus frappant si, comme je te l’ai dit ou plutôt comme je n’ai pas besoin de te le dire, l’ordre des ombres et des jours pouvait être interverti ; c’est là ce dont je vais m’occuper avant de tâcher de fixer les couleurs, et ça n’est pas facile. jusqu’à présent je n’ai peint que la voliere afin de pouvoir comparer entre elles les épreuves. tu trouveras une des deux grandes et des deux petites moins colorées que les 2 autres quoique les contours des objets soient très bien marqués ; ceci provient de ceque j’avais trop rétréci l’ouverture du carton qui couvre l’objectif. il paraît qu’il y a des proportions dont on ne peut pas trop s’écarter, et je n’ai peut être pas encore trouvé la meilleure. lorsque l’objectif est à nud l’épreuve qu’on obtient parait estompée, et le spectre coloré a cette apparence là, parceque les contours des objets sont peu prononcés et semblent en quelque sorte se perdre dans le vague. je souhaite, sans cependant trop l’espérer, que ces epreuves te parviennent en bon état, pour que tu sois, Mon cher Ami, plus à portée de juger de l’amélioration que j’ai cru obtenir.

 

 

2 juin 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je présume que tu auras reçu hier, Mon cher Ami, ma lettre du 28 mai, laquelle contenait 4 nouvelles épreuves qui m’ont paru plus correctes que les précédentes. je suis on ne peut plus sensible aux choses honnêtes que tu veux bien me dire à ce sujet, et quoique je sois loin de les mériter, elles n’en sont pas moins pour moi, un grand motif d’encouragement. si je parvenais à fixer la couleur et à changer la disposition des jours et des ombres, le procédé que j’emploie maintenant, serait je pense le meilleur ; car il est impossible de trouver une substance qui soit plus susceptible de retenir les moindres impressions de la lumiere. l’enduit de la voliere du côté de la basse cour, est d’une couleur rembrunie ; mais au dessus de la porte et jusqu’à celle du tec-à-pourceau, il y a une plaque blanche qui se trouve marquée très distinctement en noir sur la gravure. quoique j’aie encore beaucoup à faire avant d’atteindre le but, c’est déjà quelque chose. j’ai bien essayé de graver sur le métal à l’aide de certains acides ; mais jusqu’ici je n’ai rien obtenu de satisfaisant : le fluide lumineux ne parait <pas> modifier d’une manière sensible l’action des acides. cependant mon intention n’est pas d’en rester là, parceque ce genre de gravure serait encore bien superieur à l’autre, toute réflexion faite, à raison de la facilité qu’il donnerait de multiplier les épreuves, et de les avoir inaltérables. Si je parviens à obtenir d’une manière ou de l’autre de bons résultats, je m’empresserai, Mon cher Ami, de te les faire connaître.

 

 

16 juin 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

j’ai reçu, Mon cher Ami, ta lettre du 7 en réponse à la mienne du 28 mai. les choses trop obligeantes pour moi, et les détails intéressans qu’elle contient nous ont causé le plus grand plaisir. ton suffrage est bien propre à m’encourager dans une entreprise dont l’idée nous est commune et dont le succès sous ce rapport surtout me satisferait bien d’avantage encore ; mais, quoique les difficultés ne me rebutent point, grace à Dieu ; cependant, je ne me fais pas du tout illusion sur l’imperfection de mes premiers essais, ni sur les améliorations que je desire obtenir. depuis quelques jours je me suis beaucoup moins occupé de tirer de nouvelles épreuves d’après le même procédé, cequi aurait été fort inutile, que de tâcher de fixer l’image d’une manière solide, et de placer les ombres et les clairs dans leur ordre naturel. j’ai fait là dessus quelques essais que je compte répéter, parcequ’ils me laissent entrevoir la possibilité de réussir. l’idée que tu veux bien me suggerer, Mon cher Ami, pour atteindre ce double but, est très ingénieuse, et elle m’était également venue à l’esprit parcequ’elle se trouvait au nombre des combinaisons que je pouvais faire ; mais jusqu’ici l’expérience m’a appris qu’une substance que la lumiere peut décolorer facilement, n’offre pas à beaucoup près les mêmes résultats qu’une substance qui a la propriété d’absorber la lumiere. j’avais lu qu’une solution alcoolique de Muriate de fer, qui est d’un beau jaune, devenait blanche au soleil, et reprenait à l’ombre sa couleur naturelle. j’ai imprégné de cette solution un morceau de papier que j’ai fait sécher : la partie exposée au jour est devenue blanche, tandis que la partie qui se trouvait hors du contact de la lumiere, est restée jaune ; mais cette solution attirant trop l’humidité de l’air, je ne l’ai plus employée, parceque le hazard m’a fait trouver quelque chose de plus simple et de meilleur. un morceau de papier couvert d’une ou de plusieurs couches de rouille ou Safran de Mars, et exposé aux vapeurs du gaz acide muriatique oxigéné, devient d’un beau jaune jonquille, et blanchit mieux et plus vite que le précédent : je les ai placés l’un et l’autre dans la chambre obscure, et cependant l’action de la lumiere n’a produit sur eux aucun effet sensible, quoique j’aie eu soin de varier la position de l’appareil. peutêtre n’ai-je pas attendu assez longtems, et c’est ce dont il faudra encore m’assurer ; car je n’ai fait qu’effleurer la matiere. je croyais aussi comme toi, Mon cher Ami, qu’en mettant dans la boîte optique une épreuve bien marquée sur un papier teint d’une couleur fugace, ou recouvert de la substance que j’emploie ; l’image viendrait se peindre sur ce papier avec ses couleurs naturelles, puisque les parties noires de l’épreuve, étant plus opaques, intercepteraient plus ou moins le passage des rayons lumineux ; mais il n’y a eu aucun effet de produit. il est à présumer que l’action de la lumiere n’est point assez forte ; que le papier que j’emploie est trop épais, ou qu’étant trop couvert, il offre un obstacle insurmontable au passage du fluide ; car j’applique jusqu’ à six couches de blanc. tels sont les résultats négatifs que j’ai obtenus : heureusement qu’ils ne prouvent encore rien contre la bonté de l’idée, et qu’il est même permis de revenir là dessus avec quelque espoir de succès. je suis aussi parvenu à décolorer l’oxide noir de Manganèse ; c'est-à-dire qu’un papier peint avec cet oxide, devient parfaitement blanc lorsqu’on le met en contact avec le gaz acide muriatique oxigéné. Si, avant qu’il soit tout a fait décoloré, on l’expose à la lumiere, il finit de blanchir en très peu de tems ; et lorsqu’il est devenu blanc, si on le noircit légèrement avec ce même oxide, il est encore décoloré par la seule action du fluide lumineux. je pense, Mon cher Ami, que cette substance mérite d’être soumise à de nouvelles épreuves, et je compte bien m’en occuper plus sérieusement. j’ai voulu aussi m’assurer si les différens gaz pourraient fixer l’image colorée ou modifier l’action de la lumiere, en les faisant communiquer à l’aide d’un tube avec l’appareil, pendant l’opération. je n’ai encore employé que le gaz muriatique oxigéné, le gaz hydrogène et le gaz carbonique ; le premier décolore l’image ; le second ne m’a paru produire aucun effet sensible, et le troisieme détruit en grande partie, dans la substance dont je me sers, la faculté d’absorber la lumiere ; car cette substance, tant que le contact du gaz a lieu, se colore à peine dans les parties même les plus eclairées, et cependant ce contact a duré plus de huit heures. je reprendrai ces expériences intéressantes, et j’essaierai successivement plusieurs autres gaz, sur tout le gaz oxigène qui, à raison de ses affinités avec les oxides métalliques et la lumiere, mérite une attention particuliere. enfin, Mon cher Ami, j’ai fait de nouveaux essais pour parvenir à graver sur le métal à l’aide des acides minéraux ; mais ces acides que j’ai employés, c’est-à-dire l’acide muriatique, l’acide nitreux ainsi que l’acide muriatique oxigéné, soit sous forme gazeuse, soit en liqueur, n’ont laissé pour toute empreinte qu’une tache noirâtre plus ou moins foncée suivant la force du dissolvant. l’acide muriatique oxigéné est le seul dont on pourrait tirer parti ; mais il n’est décomposé par la lumiere que lorsqu’il est uni à l’eau, et dans cet état même il n’agit pas sur les métaux avec assez d’énergie pour les creuser sensiblement ; car il ne produit aucune effervescence avec eux, et les oxide comme ferait le foie de soufre, cequi n’est pas notre affaire ; mais j’ai reconnu avec plaisir que sans produire le bouillonnement incommode des autres acides, il attaque très bien et d’une maniere très-nette la pierre calcaire dont nous <nous> servions pour graver : il l’attaque lentement, c'est-à-dire comme il le faut pour que l’influence de la lumiere soit plus sensible, et que cet acide puisse creuser plus ou moins à raison de la différence des teintes. je m’occuperai donc, toute affaire cessante, de préparer une de ces pierres qui remplacera le papier, et sur laquelle l’image colorée doit se peindre. je la laisserai tremper quelque tems dans l’eau chaude, et ensuite je la mettrai en contact avec le gaz acide muriatique oxigéné qui, d’après mon procédé, communique dans l’intérieur de l’appareil. je crois qu’à l’aide de cette disposition, on doit obtenir un résultat décisif, si comme on n’en peut douter, l’acide en question est décomposé par la lumiere, et si par là sa force dissolvante se trouve modifiée. tu vois, mon cher Ami, que depuis quelques jours je n’ai guère fait que battre la campagne : mais c’est toujours quelque chose que de multiplier les données qui peuvent conduire à la solution du problême proposé. aussitôt que j’aurai trouvé quelque perfectionnement utile et vraiment propre à atteindre ce but, je m’empresserai de t’en instruire.

 

 

2 juillet 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

D’après des expériences réitérées j’ai reconnu l’impossibilité de pouvoir fixer l’image des objets à l’aide de la gravure sur pierre par l’action des acides aidés du concours de la lumiere. ce fluide ne m’a paru avoir aucune influence sensible sur la propriété dissolvante de ces agens chimiques : j’y ai donc entierement renoncé, et je doute fort que l’on eût pu par ce procédé faire ceque l’on peut faire avec la substance que j’emploie, puisquelle rend sensible les différentes teintes que réfléchit l’enduit de la voliere, qui est blanc dans certaines parties, et noir dans d’autres. je fais dans ce moment, de nouvelles recherches pour parvenir à fixer et transposer les couleurs de l’image représentée. le champ à parcourir est assez vaste, et je ne le quitterai pas que je n’aie epuisé toutes les combinaisons.

 

 

8 juillet 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je voudrais déjà être de retour à St Loup pour pouvoir reprendre la suite de mes expériences trop souvent interrompues.

 

 

29 juillet 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

Depuis notre arrivée ici je n’ai eu que le tems de faire quelques préparations chimiques pour les nouvelles expériences dont je vais m’occuper sur la lumiere. si j’obtiens quelque heureux résultat, je m’empresserai, Mon cher Ami, de t’en donner connaissance.

 

 

28 août 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

me trouvant depuis assez longtems comme l’oiseau sur la branche, je n’ai pu m’occuper d’une maniere un peu suivie de mes expériences sur la lumiere : j’attends pour les reprendre que je me sois acquitté de la commission de Mr de la Chabeaussiere.

 

 

9 septembre 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

Mon intention est bien de reprendre mes expériences sur l’action de la lumiere : cependant, si dans 15 jours d’ici mes recherches sont encore infructueuses, je les ajournerai pour quelque tems.

 

 

17 septembre 1816 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

si la Société d’encouragement nous offrait quelque ouvrage sur l’impression lithographique, et surtout quelques jolies gravures d’après ce procédé : je crois que nous ferions mal de les refuser. une instruction détaillée sur ce nouvel art que l’on doit cultiver maintenant à Paris, pourrait nous être utile ; et quant à moi je voudrais bien que ton neveu pût m’apporter une petite gravure de ce genre, mais de préférence un paysage.

 

 

17 septembre 1816 – Nicéphore Niépce à Ange Jacques Marie Poisson de la Chabeaussière (MNN)

j’ai l’honneur de vous prévenir que je viens de vous adresser par le roulage, une Boîte contenant l’échantillon que vous m’avez fait demander de la part de la Société d’Encouragement (…) il n’était guère possible de conserver <scrupuleusement> les dimensions prescrites : aussi l’échantillon n’a-t-il pas tout fait un pié en carré. Quant à l’épaisseur, j’ai mieux aimé lui laisser quelques lignes de plus, parcequ’on sera toujours à même de la réduire à trois pouces et demi, dans le cas où il paraîtrait convenable d’enlever ces taches rougeâtres qui, selon l’expression des marbriers, sont occasionnées par un reste de délit. je suis d’autant plus <disposé> à le croire que la couleur de cette pierre éprouve rarement, sous ce rapport, une altération aussi considérable. quoiqu’il en soit, je ne me suis point apperçu que cette différence de couleur en produisit une sensible dans l’action de l’acide nitrique ; et c’est-là je pense, le point essenciel (…) la pierre est d’une extraction facile : son homogénéité ne m’a pas paru sensiblement altérée par l’interposition de corps étrangers, et l’acide dans lequel on la plonge, ne détruit point le poli qu’on lui a donné ; propriété particuliere qui me semble d’un bon augure.

 

 

4 octobre 1816 - Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

 [Extrait relatif au Pyréolophore] – j’ai vu sur notre atlas portatif une petite ville ou Bourg appelé Seissel sur les bords du Rhone à 13 ou 14 lieues de trevoux, et à peu près aussi loin de Bourg en Bresse. je ne sais pas encore si c’est là que se trouve la source d’asfalte en question ; mais je tâcherai de me procurer sur cet objet les renseignemens que tu desires et qui peuvent nous devenir fort utiles.

1817


23 et 24 janvier 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

[Extrait relatif au Pyréolophore] – j’ai fait venir de la ville un peu d’asphalte solide, connu sous le nom de Bitume de judée. cette substance, qui est moins friable que la résine ordinaire, est noirâtre et très-opaque. Sa cassure est nette et brillante comme le charbon de pierre avec lequel elle a la plus grande analogie. comme lui elle devient brunâtre lorsqu’on la réduit en poussière très fine, et s’enflamme aussi bien que la résine. j’en ai mêlé un gros à cinq gros de charbon de pierre, et j’ai porphirisé le tout le mieux qu’il m’a été possible. ce mélange projeté sur une chandelle allumée, s’enflamme en détonnant comme le ferait pareille quantité de résine unie au charbon de pierre, ce dont j’étais curieux de m’assurer et ce qui m’a fait grand plaisir.

 

 

12 mars 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je suis à la recherche et je crois être sur la trace d’un moyen de graver d’après le procédé dont je me suis occupé l’année derniere. je m’occupe de nouvelles tentatives sur cet objet, et si j’ai le bonheur d’obtenir un bon résultat, je m’empresserai, Mon cher Ami de t’en faire part.

 

 

26 et 27 mars 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je n’ai encore pu me rendre raison du procédé dont je t’ai parlé pour graver sur la pierre, procédé qui, a raison de la substance que je dois employer, n’a aucun rapport avec le premier. je desire beaucoup qu’il puisse répondre à mon attente et justifier par là l’intérèt que tu veux bien y prendre. je viens à cet effet, de faire tailler par le marbrier, deux petites pierres d’un bon pouce ou 13 lignes en carré, et en même tems de faire exécuter un petit appareil pour les expériences que je me propose de suivre à notre prochain retour à St Loup. si elles ont du succès je m’empresserai de te les communiquer dans le plus grand détail.

 

 

8 avril 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

tu as bien voulu me promettre (…) quelques détails sans lesquels il me serait très difficile (…) d’apprécier tout le mérite d’une découverte qui par sa nature comme par son importance doit tenir le premier rang parmi nos conceptions mécaniques. je n’ai encore acquis que des probabilités sur celle qui m’occupe ; mais à supposer même qu’elle se réalisât, ce ne serait qu’un vrai colifichet en comparaison de l’autre. cependant, les encouragemens que tu as la bonté de me donner excitent mon zèle, et certes pour quelques coups de manche de fouet de plus je n’abandonnerais pas la partie. tu croiras peut être d’après cela, Mon cher ami, que j’ai déjà fait quelques essais qui n’auront été rien moins que satisfaisans ; mais la vérité est que depuis notre retour de Châlon, je n’ai eu que le tems de monter le petit appareil destiné à mes opérations préparatoires. je suis maintenant en mesure d’agir, et si rien ne me détourne, je pourrai cette fois s’il plait à Die[u te] faire part du résultat que j’aurai obtenu. ce résultat ne sera point encore décisif s[elon] toute apparence ; mais il rendra du moins très probable la certitude d’un succès complet, et ce serait déja beaucoup.

 

 

20 avril 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

Tu auras pu voir par ma derniere lettre à ton cher neveu, que je me proposais de te donner des détails circonstanciés sur les recherches qui m’occupent, et auxquelles tu as la bonté de prendre un intérèt que je serais bien heureux de pouvoir justifier. je n’ai point encore la certitude démontrée du succès ; mais j’ai acquis quelques probabilités de plus, cequi ranime mon courage et me porte à reprendre la suite de mes expériences.  je crois t’avoir mandé, Mon cher Ami, que j’avais renoncé à l’emploi du Muriate d’argent, et tu sais les raisons qui m’y ont déterminé. j’étais fort embarrassé de savoir par quelle autre substance je pourrais remplacer cet oxide métallique, lorsque je lus dans un ouvrage de chimie, que la résine de Gaïac, qui est d’un gris jaunâtre, devenait d’un fort beau vert quand on l’exposait à la lumiere ; qu’elle acquérait par là de nouvelles propriétés, et qu’il fallait pour la dissoudre dans cet état, un alcool plus rectifié que celui qui la dissout dans son état naturel. je m’empressai donc de préparer une forte dissolution de cette résine, et je vis en effet qu’étendue en couches légères sur du papier, et soumise au contact du fluide lumineux, elle devenait d’un beau vert foncé en assez peu de tems ; mais réduite en couches aussi minces qu’elles devaient l’être pour l’objet proposé, sa solution dans l’alcool ne m’offrit pas la moindre différence sensible ; de sorte qu’après plusieurs tentatives également infructueuses, j’y renonçai bien convaincu de l’insuffisance de ce nouveau moyen. enfin, en jettant les yeux sur une note du dictionnaire de Klaproth, article phosphore, et surtout en lisant le mémoire de Mr Vogel sur les changemens que l’action de la lumiere fait subir à ce combustible ; je m’imaginai qu’il serait possible de l’appliquer avantageusement à mes recherches. le phosphore est naturellement jaunâtre ; mais fondu convenablement dans l’eau chaude, il devient presque aussi blanc, aussi transparent que le verre, et alors, il est peut être plus susceptible que le muriate d’argent lui même, des impressions de la lumiere. ce fluide le fait passer très rapidement du blanc au jaune, et du jaune au rouge foncé qui finit par devenir noirâtre. l’alcool de Lampadius, qui dissout aisément le phosphore blanc, n’attaque point le phosphore rouge, et il faut pour fondre ce dernier une chaleur beaucoup plus forte que pour fondre le premier. le phosphore rouge exposé à l’air, ne tombe pas en déliquescence comme le phosphore blanc qui après avoir absorbé l’oxigène, se convertit en acide phosphoreux. cet acide a la consistance de l’huile et corrode la pierre comme les acides mineraux. j’ai constaté la vérité de toutes ces assertions, et sans m’étendre d’avantage là dessus, je suis persuadé que tu sentiras comme moi, Mon cher Ami, combien cet agent chimique peut offrir de combinaisons utiles pour la solution du problême qu’il s’agit de résoudre. la seule difficulté qui m’embarrasse maintenant, c’est d’étendre le phosphore comme un vernis sur la pierre. il faut qu’il soit en couche très-mince, autrement la lumiere ne le pénétrerait pas à fond, et le phosphore n’étant pas oxidé dans toute son epaisseur, on manquerait ainsi le but qu’on se propose d’atteindre. cette substance est attaquée par l’alcool et surtout par les huiles ; mais ces dissolvans lui enlevent les propriétés qu’il importe le plus de lui conserver, ainsi que l’expérience me l’a démontré. je suis parvenu à l’étendre sur la pierre à l’aide du calorique, dans mon appareil qui est une espèce de soufflet rempli de gaz nitreux, dont l’ame inférieure reçoit la pierre en question, et qui porte à son ame supérieure un petit mécanisme pour répandre également le phosphore, ainsi qu’un verre pour eclairer l’intérieur ; mais cet appareil ne fermait point assez exactement pour empêcher l’air ambiant d’y pénétrer, et le phosphore s’enflammait avant que l’opération fût terminée. pour arriver à une demonstration complette, il faut donc que je tâche d’abord de rémedier à cet inconvénient majeur, et j’espère y parvenir d’une maniere ou de l’autre : je m’empresserai de te faire connaître, Mon cher ami, le résultat de mes recherches ultérieures à cet egard.

 

 

30 avril 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (document original perdu)

Tu penseras avec raison que la visite de Ternant ne m'a pas permis de continuer les expériences dont je m'occupais ; je les ai en effet interrompues et bien contre mon gré ; mais je ne manquerai certainement pas de les reprendre à notre très-prochain retour à Saint-Loup. Je te remercie de tout mon coeur, mon cher ami, des choses très-encourageantes et trop flatteuses que tu as la bonté de me dire à ce sujet ; je voudrais les mériter, mais je n'ai encore que des présomptions plus ou moins fondées ; ainsi que tu vois je suis furieusement loin de mon compte. La plus grande difficulté que j'aurai à surmonter sera certainement de pouvoir saisir les nuances les plus délicates de l'image colorée ; et c'est aussi là pour moi le coup de mise de fouet le moins aisé à parer. Malgré cela, je ne me décourage point ; et tu peux être assuré que si je parviens à obtenir quelque bon résultat, je m'empresserai de t'en donner avis. Le point essentiel d'abord est de trouver le moyen d'étendre le phosphore en couche mince et unie. Ton idée serait excellente, mon cher ami, si cette substance, fondue d'après le procédé que tu indiques, pouvait adhérer à la pierre ; mais dans cette circonstance elle coule et se divise en globules comme le mercure, sans qu'il soit possible d'en étendre la moindre parcelle, ainsi que je m'en suis assuré plusieurs fois en purifiant le phosphore dans l'eau chaude et sur le petit cube de pierre qui me sert dans mes expériences. Comme le phosphore a de l'affinité avec les corps gras, peut-être adhèrerait-il à la pierre si on le faisait fondre dans l'huile au degré de température convenable ; et je m'en rendrai raison, dans le cas où un autre procédé fort simple que j'ai en vue, ne réussirait pas

 

 

12 mai 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

la découverte dont je m’occupe me présente des difficultés aux quelles je ne devais pas m’attendre et que j’aurai je crois beaucoup de peine à résoudre : le p. [phosphore] placé dans la chambre obscure, n’est point coloré par la lumière, tandis qu’il l’est très promptement par l’action directe des rayons solaires. voilà pourtant comme les livres vous trompent ! mais malgré cet accroc je n’abandonnerai mes recherches que lorsque j’aurai perdu tout espoir de reussir.

 

 

30 mai 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

depuis ma derniere, le tems qui a presque toujours été nébuleux, ne m’a pas permis de varier beaucoup les expériences dont je m’occupes et aux quelles tu veux bien prendre un intérèt si encourageant pour moi ; mais je n’ai pas perdu pour cela l’ espoir de réussir, et si je parviens enfin, cequi n’est point chose aisée, à étendre convenablement le p. [phosphore] je crois bien, sans me faire illusion, pouvoir parvenir à résoudre le problême.

 

 

7 juin 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je suis parvenu à étendre le p. [phosphore] en couche mince comme une forte feuille de papier ; mais ce n’est point encore assez. malgré cela, je vois que le p. qui n’a pas été coloré par la lumiere, s’acidifie beaucoup plus vite que celui qui a été coloré, et la maniere dont il attaque la pierre ne laisse aucun doute sur la vérité du principe fondamental ; cequi est déja un point assez important ; mais il y a encore bien loin de là au terme qu’il faut atteindre. je ne puis marcher à grands pas, parceque je suis obligé de répéter, de varier mes expériences, et qu’il est essenciel surtout d’observer attentivement et de comparer les résultats obtenus. si je parviens à graver passablement par ce procédé, une fleur de Lys de maniere à marquer les jours et les ombres ; je ne manquerai pas de te l’envoyer, persuadé d’après l’intérèt obligeant et flatteur que tu veux bien me témoigner, Mon cher ami, et qui est si encourageant pour moi, que cette premiere épreuve quelqu’imparfaite qu’elle fût te ferait plaisir.

 

 

2 juillet 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (Coll. JN)

Mes expériences les plus importantes sur le ph. [phosphore] n’ont pas réussi. Je n’ai pu parvenir jusqu’ici à fixer sur cette substance l’image des objets à l’aide de l’appareil dont tu sais que je me servais. Je crois qu’il y a une grande différence ainsi que je l’ai observé, entre les corps qui retiennent la lumière en l’absorbant, et ceux qu’elle ne fait qu’attirer en changeant ou modifiant leur couleur. Au reste, je n’ai pas encore assez varié mes expériences pour me regarder comme battu, et je ne me décourage point.

 

 

11 juillet 1817 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (MNN)

je viens de m’occuper de l’analyse de la gomme-résine de gaïac. m’on objet était de mettre à nud la partie de cette substance, qui est susceptible des impressions de la lumiere. j’ai déja reconnu avec plaisir que cette singuliere propriété n’existe point dans la matiere gommeuse que l’eau dissout aisément ; et que la résine débarrassée de cette gomme rougeâtre, est bien plus sensible à l’action du fluide Lumineux ; mais cette même résine est encore unie à un principe qui n’est soluble ni dans l’eau ni dans l’alcool, cequi m’offre le moyen de l’obtenir (.La résine.) parfaitement pure. si dans cet état, sa combinaison avec l’oxigène à l’aide de la lumière, la rend moins attaquable par l’alcool, j’aurai fait un grand pas vers la solution du problème que je me suis proposé. tu sais que le ph. [phosphore] ne m’a fourni que des résultats peu satisfaisans : son emploi d’ailleurs est dangereux, et une forte brûlure que je me suis faite à la main, n’a pas peu contribué à me dégouter entierement de ce perfide combustible. je vais donc reprendre mes expériences, et je ne manquerai pas de t’instruire du résultat bon ou mauvais que j’aurai obtenu. tu vois d’après cela, que je n’ai pas encore perdu l’espoir de réussir.

1818


9 juin 1818 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (ASR)

je regrette beaucoup mon cher ami, de ne pouvoir te témoigner toutes mes félicitations sur les espérances que tes recherches intéressantes te promettent ; je fais les voeux les plus ardens pour que le succès couronne tes travaux, et que nous puissions recevoir les inspirations qui nous sont nécéssaires. Malgré le vif désir que j’aurais de connaître tes ingénieux procédés, je te prie, mon cher ami, de ne rien en dire qui puisse les faire deviner, car les lettres peuvent être décachetées et ton secrèt pourrait être découvert, ce qui pourrait te priver de ta précieuse découverte.

 

 

27 septembre 1818 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Je suis toujours mes recherches avec une nouvelle ardeur. Je m’occupe dans ce moment d’une expérience qui me promet, grâce à Dieu, un bon résultat. c’est un perfectionnement que j’ai fait à la maniere d’employer la substance animale dont je t’ai parlé. je crois obtenir des éffets beaucoup plus marqués, quoique moins prompts attendu que l’agent principal n’a plus la même énergie. je suis déjà parvenu à obtenir quant à la matière colorante, un degré de fixité tel qu’un objet peint depuis près de 3 mois, ne s’est pas altéré sensiblement. mais il me faudrait pouvoir transposer les teintes ; ceque je ne puis faire convenablement qu’à l’aide d’une substance qui agirait d’une maniere toute opposée à celle que j’emploie, cequi nécessiterait de nouvelles recherches aux quelles cependant, je me propose de me livrer, ou bien en parvenant à donner à l’agent en question, une action également contraire. j’ai lu la description d’un instrument inventé depuis quelques années en Angleterre, et qui sous ce rapport, pourrait bien remplir mon objet : c’est la Chambre lucide de Wollaston, perfectionnée par M Bate. cet instrument fort ingénieux, est d’une grande simplicité et si peu volumineux qu’on peut le mettre en poche. on peut par ce procédé dessiner en plein jour. la Machine consiste en un prisme suspendu comme ils le sont, et auquel on donne la position convenable. Il est muni d’un diaphragme mobile, et projette sur un papier blanc placé au dessous de lui, l’image des objets représentés, avec une grande netteté. Je viens de charger Isidore de prendre des renseignemens précis à ce sujet, avant son départ. Si cet instrument, que je désirerais beaucoup avoir, ne se trouvait pas à Paris, je te prierais alors, Mon cher ami, de vouloir bien t’informer du prix qu’il coûte, de la maniere de s’en servir, car il faut la connaître, et de t’assurer par toi-même de l’éffet qu’il produit. quand cette machine n’aurait d’autre avantage sur celles de cette espèce, que de représenter les objets avec une grande clarté, ce serait déjà beaucoup pour moi ; mais si par ce procédé l’image se trouvait plus fortement éclairée que le fond, alors la transposition si importante des ombres et des jours, aurait nécessairement lieu ; et c’est la plus grande difficulté que j’aie encore à surmonter. je suis porté à croire que c’est ainsi, d’après la dénomination même de l’instrument qui semble être l’inverse de la chambre obscure.

 

 

29 octobre 1818 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

mes sinceres felicitations, pour les nouveaux succès que tu esperes avoir obtenus dans tes interessants travaux ; jespère <aussi> qu’ils se confirmeront d’avantage, et que tu parviendras au but si desiré, à force de recherches et de sagacité (…) malgré tout l’intérèt et le plaisir que j’éprouve à recevoir des details sur tes travaux, Mon cher ami je crains que tu ne m’en dise trop, et comme les lettres peuvent être luës il serait bien facheux quelles pussent faire connaitre a d’autres les principes de ta decouverte ; c’est ceque je t’engage à considérer malgré la privation, que ce conseil de ma part puisse m’imposer ; ainsi tu voudras bien Mon cher Ami, me dispenser déclaircir l’idée que j’avais eu le plaisir de te communiquer, si tu n’en a pas saisi l’application au procédé que je croyais praticab[le], C’est quapparement il ne l’est pas du tout ; je n’ai pas oublié de prendre les renseignemens que tu desirais avoir, sur la chambre lucide de Walston ; j’allai il y a eu lundi dernier 8 jours à Londres, pour m’en procurer, et en passant par le Strand qui est une des ruës les plus commerçantes de cette grande cité, j’entrai chez un opticien, très bien assorti, et j’y vis, cet ingénieux appareil. il consiste comme tu l’as surement vu dans sa description en un prisme de Crystal, placé verticalement, et sur le quel vient se peindre l’objet qu’on veut dessiner, la quelle <image> au moyen (sic) deux petits miroirs inclinés de maniere à la reflechir sur une tablette, audessus de la quelle cet instrument est placé ; cet opticien eut la complaisance de m’en montrer les details ; qui sont très ingenieux, et rendent cet appareil beaucoup plus simple et plus commode que la chambre obscure ; mais les couleurs des objets ne sont point peutêtre aussi vives quelles le paraissent dans la chambre obscure ; parce que l’image est reçuë en plein jour, ce qui nécessairement en diminue l’effet ; ce qui me fait croire que pour ton objet, il n’offrirait pas de grands avantages sur l’autre procédé ; parcequ’il faudrait toujours une ouverture pour y laisser passer les rayons lumineux, et les autres environnants y entreraient aussi ; cequi reviendrait à peu prés au même. cependant ce n’est qu’une conjecture de ma part, et si tu désires, Mon cher Ami t’en assurer par toi même, je pourrais faire lacquisition de cet appareil, il coute avec la petite tablette qui est portative, huit guinées et cinq seul.

 

 

17 novembre 1818 – Nicéphore Niépce à Nicolas Louis Vauquelin (Société photographique de Vienne)

M’occupant d’expériences de chimie, et désirant me procurer directement certains produits que l’on ne trouve point en province ; je vous prie de bien vouloir m’indiquer par quelle voie je pourrais vous faire toucher la valeur de ces articles, et celle que vous prendriez pour me les adresser.

 

 

19 novembre 1818 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je suis charmé, Mon cher Ami que les renseignemens que j’ai eu le plaisir de te donner sur la chambre lucide aient contribué ainsi que ceux de Mon cher Neveu, à ten donner une plus juste idée que celle que la description de cette ingenieuse Machine avait pu t’en faire concevoir ; j’attends avec grand empressement le resultat de tes nouvelles recherches, et quoique l’intérèt que j’y attache m’ait engagé, Mon cher Ami, à me priver de beaucoup de détails quil m’eut été bien agreable de recevoir de toi ; je n’en suivrai pas moins je l’espere tes succés, et tes esperances à cet égard ; jespere quelles se realiseront ainsi que les miennes et que nous serons dedommagés l’un et l’autre de nos soins et de nos travaux.

 

 

31 décembre 1818 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je desire bien ardemment, que la nouvelle substance que tu as recuë de Paris ; puisse repondre à tes vuës ; alors, tu toucheras de bien prés Mon cher Ami, à la solution du problème ; je ne devine pas précisement qu’elle peutêtre cette substance ; et je te remercie de ta discretion à ne pas la nommer. si comme tu veux bien le dire l’idée ingénieuse que tu poursuis, nous est commune elle t’est de bon droit personnelle par tes recherches et tes perfectionnements aux quels je n’ai pu prendre part ; aussi je te cede de bien bon coeur, la gloire que le succés d’une decouverte aussi curieuse qutile doit te procurer.

 

 

1819


16 juillet 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

Je concois comme toi Mon cher Ami que les fréquentes interruptions quéprouvent tes ingenieuses recherches, doivent leur être extrèmement contraires, et penibles pour toi ; car malgré soi, on soccupe sans cesse de ses idées et l’on souffre de ne pouvoir s’en rendre raison ; mais quelques fois aussi, la reflection dissipe souvent bien des nuages, qui nous empeches de juger clairement ; et elles evitent souvent une execution d’appareils ou de procédés, qui eussent pris bien du tems (…) j’accorde les mêmes éloges à tes intéréssants et ingénieux travaux. nous avons je crois grande raison d’y apporter toute notre application, parce que je crois que cette carrière, est celle qui nous convient le mieux, sous tous les rapports ; et qu’elle nous donne l’espoir de réparer les brèches de notre fortune.

 

 

6 août 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je te prie de m’excuser mon cher Ami, si j’ai <été> entrainé à te parler si longtems de Mes travaux avant que d’avoir eu le plaisir de te feliciter des tiens, et de te remercier des nouveaux détails ingénieux <et interessants> que tu veux <bien me> donner ; je régrette beaucoup de ne pouvoir les comprendre assez bien pour en apprécier le merite mais ; je crois que le transparent dont tu te proposes de faire usage pourra produire un très bon éffet ; il faut convenir Mon cher ami que tu as à traiter un sujet bien autrement difficile, que le mien et qui met à l’épreuve toutes les resources et la sagacité du génie ; j’espere que les tiennes y suppleeront.

 

 

24 août 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

avec quelle satisfaction, j’ai lù, les détails interessants que tu veux bien me donner sur tes nouvelles recherches ! Combien je desire que d’aussi flatteuses esperances puissent ne pas s’évanouir, et te conduire au but si désiré en même temsqu’il est, on peut le dire, beau et surprenant. jespere, que cette heureuse inspiration t’y conduira ; et il faut convenir que la substance que tu employes, et que je ne devine pas parfaitement, si non une que je suppose, qui a assez les propriétés dont tu me donnes quelque apperçu, mais dont je te sais bien bon gré Mon cher Ami de ne pas expliquer davantage ; alors le but serait atteint, et il faut convenir dis-je qu’il serait fait pour exciter la curiosité et l’admiration generale ; Combien tu te feliciter<ais>, Mon cher Ami d’avoir suivi constamment un genre d’application qui eut decouragé tout autre que toi ; par les grandes difficultés qu’il offrait mais qu’une secrète inspiration, et qui vient d’en haut, il faut le croire, t’a encouragé à poursuivre. et la devise hos successus alit etc. est celle qui te convient ainsi qu’à moi et qu’on pourra dire possunt quia posse sperabant.

 

 

10 septembre 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

Jespère que tu auras eu le temps depuis le depart du cher Cousin de reprendre tes intéressantes experiences, combien les affaires et les visites s’accordent peu avec les recherches qui t’occupent Mon cher ami !

 

 

2 octobre 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

Je regrette beaucoup Mon cher Ami que tes intéressants travaux aient été si longtemps interrompus, et dans le moment le plus favorable ; j’espère que tu seras assez heureux pour les bien avance[r] si tu ne les termines pas avec la belle saison ; combien je désire [qu]ils puissent te dédommager amplement de ton application et de tes ingénieuses recherches !

 

 

14 novembre 1819 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Le dernier procédé dont j’ai eu le plaisir de te parler, Mon cher ami, n’ayant pas à beaucoup près rempli mon attente, je suis à la recherche d’un nouveau moyen de transposer, et j’ai déjà obtenu des résultats qui me donnent lieu de mieux augurer que je ne l’ai encore fait jusqu’ici. Je souhaite bien pouvoir t’annoncer dans ma prochaine lettre quelque chose de plus positif, de plus satisfaisant à ce sujet : je vais travailler en conséquence.

 

 

23 novembre 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je vois avec grand plaisir Mon cher Ami, que les occupations penibles dont tu as bien voulu te charger ; ne t’ont point faire (sic) perdre de vuë, l’objet intéressant qui [e]xigerait une application non interrompuë ; et que tes dernières recherches te donnent l’espoir d’un succés si justement attendu, et que je désire bien ardemment pour toi, comme la plus belle récompense de tes constants et ingénieux travaux.

 

 

11 décembre 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

il parait mon cher Ami d’aprés ceque tu me mandes, de tes intéressants travaux, que tu as eu le bonheur d’obtenir des résultats, qui te promettent d’arriver à une solution complette du problême, que tu cherches à resoudre ; quoique si difficile, par sa nature. je desire de tout mon coeur, que d’aussi flatteuses esperances puissent se réaliser, et que le succes te récompense de toutes ingénieuses recherches (…) je voudrais bien pouvoir apprendre quelque chose de satisfaisant sur la machine qu’il t’interesse de connaitre, je pourrai lorsque j’irai à Londres prendre à cet égard les renseignements que je pourrai me procurer. je sens bien qu’un pareil instrument, pourrait parfaitement convenir à ton procédé.

 

 

31 décembre 1819 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

d’aprés la rigueur des tems je désire beaucoup savoir ou en sont tes intéressants travaux, que je regrette de voir si souvent interrompus ; j’espere que tu pourras les reprendre et que les uns et les autres nous aideront à réparer les brèches de notre fortune.

 

 

1820


22 janvier 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

reçois je te prie mes empressés remerci<mens> pour les nouveaux details, que contenait ta lettre ; je crois en effet que ton ingénieux procédé serait celui qui meriterait la préférence sur touts les autres, si le fonds pouvait aprés l’operation rester ensuite longtemps, dans le même état ; c’est là je crois la plus grande difficulté à surmonter, il parait daprés ce que tu as la bonté de m’en dire que tu as trouvé le moyen de donner à la substance qui reçoit l’effet cette precieuse faculté. je le desire de tout mon coeur, car alors comme on le dis l’affaire serait dans le sac, et le succés aurait couronné tes ingenieux et bien difficiles travaux. La saison est bien peu favorable, mais quelque faible que fut l’effet, tu n’en pourrais pas moins juger de la bonté de ce procédé.

 

 

8 février 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

j’y ai lù avec le plus vif intérèt la nouvelle decouverte que tu viens de faire. Si lexperience que tu te proposais de repeter, confirme l’heureux resultat que la premiere t’a donné ; je la regarde comme toi la solution du problême qui t’occupe, et tu pourrais dire avoir surmonté la plus grande difficulté qui sopposait aux succés de ton ingénieux procédé ; je le desire de tout mon coeur

 

 

25 février 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je vois avec bien du plaisir Mon cher Ami que tu viens de faire de nouvelles experiences qui te promettent des resultats bien interessants, pour ton objet ; la transposition serait un procédé si non aussi expeditif que le premier ; qui je crois aurait sous d’autres rapports de grands avantages, et je desire de tout mon coeur que les esperances que tes dernieres experiences t’ont fait concevoir puissent se realiser. voici heureusement la belle saison qui approche. avec quel plaisir tu en profiteras une fois que tu seras assuré de la base du Phénomêne qui t’occupe.

 

 

17 mars 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

parlons d’abord de celles qui t’occupent mon cher ami et qui paraissent, te mener à grands pas au but si désiré et si difficile de ta découverte, qui est aussi belle quelle paraitra extraordinaire. reçois donc mon cher Ami l’expression de toute la satisfaction que j’ai éprouvée en lisant et relisant les details intéressants que tu veux bien me donner. Combien je desire que d’aussi belles esperances puissent se réaliser ! et que le procédé que tu te proposes d’essayer avec le vernis obscur, et susceptible de céder au flu. L. [fluide lumineux] à l’aide de l’h. ani [l’huile animale de Dippel] (dont je me rappelle fort bien) et que cependant l’impression puisse être ensuite inaltérable ; il faut convenir qu’alors le problême serait résolu et de la maniere la plus péremptoire ; avec quel plaisir japprendrai un résultat aussi beau, aussi satisfaisant pour toi mon cher Ami et aussi fait pour tapplaudir de tes ingénieux et constants travaux. Amen.

 

 

4 avril 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je te félicite de tout mon coeur de la nouvelle route que ta sagacité et tes constantes recherches t’ont ouverte, mon cher ami, et jespère, comme toi qu’elle peut te mener à la solution du résultat ingenieux et si difficile qui t’occupe : il est vraiment bien extraordinaire que le fl.Lu. [fluide lumineux] puisse travailler de concert avec le calorique ; et le problème serait (comme tu l’observes fort judicieusement) entierement résolu si les teintes pouvaient être entierement carbonisée en conservant leur intensité respective, qui produit leffet.

 

 

21 avril 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je te prie en même tems de recevoir mes justes felicitations pour l’heureuse decouverte que tu viens de faire mon cher ami, et <agrée> mes tendres remercimens pour les interessants et ingénieux procedés dont tu veux bien me faire part ; je crois comme toi que cette heureuse trouvaille ; te fera franchir les difficultés presque insurmontables qui obstruoient le passage pour arriver au but que tu te proposes avec juste raison, d’atteindre. jespère Mon cher Ami, que les données que tu as obtenuës t’ont réellem<ent> initié dans le secret, du travail merveilleux de la nature, et que tu pourras à l’aide de lingénieux appareil que tu te proposes de faire éxecuter, faciliter beaucoup cette operation, en pouvant combiner à ton gré, les moyens qui, d’aprés tes derniers <et> intéressants résultats, concourrent à la production d’un effet aussi admirable, qu’il était difficile à obtenir. combien je desire que les nouvelles expériences que tu vas faire confirment d’aussi flatteuses esperances et que le succés puisse couronner tes longs et ingénieux travaux !

 

 

7 juillet 1820 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (ASR)

Je te félicite de tout mon coeur, mon cher ami, des nouvelles et ingénieuses combinaisons que tu viens d’ajouter à tes premières ; je te sais bien bon gré de la discrétion que tu mets à l’explication de tes nouveaux procédés : j’aime bien mieux en apprendre l’heureux résultat, que de compromettre ta découverte, malgré tout l’intérèt que j’y prends. Je ne puis t’exprimer, mon cher ami, combien je suis reconnaissant de tout ce que tu veux bien me dire de tendre et d’obligeant à l’égard des recherches que tu te proposes de faire, relativement à l’idée que m’a fait naître ta précédente lettre ; je sens toute la difficulté d’en tirer parti, et je serais fâché qu’elles te détournassent de la route que tu t’es tracée et qui je l’espère te mènera au but. Il faut convenir que les expériences sont par elles mêmes faites pour dédommager amplement du travail et des soins qu’elles exigent. J’ai lu, comme tu peux le voir, mon cher ami, avec la plus vive satisfaction la description des effets que tu as observés si judicieusement ; ils sont aussi étonnants qu’admirables et inconnus jusqu’à présent ; car je ne crois pas qu’aucun physicien, même parmi ceux qui ont fait des recherches sur la lumière, tels que Newton et d’autres modernes célèbres aient jamais observé de pareils effets ! Ce qui prouve combien l’étude de la nature est variée, et quelle satisfaction l’on éprouve lorsqu’on parvient à soulever le voile qui couvre ses admirables opérations !

 

 

1821


6 avril 1821 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

Combien je suis pêné mon cher ami, de voir ton temps employé d’une maniere aussi fatiguante pour toi, et en pure perte pour tes interessantes et ingénieuses recherches. Heureusement ; tu seras je l’espere bientôt quitte de toute cette fatiguante mais bien essentielle besogne, et que tu pourras lorsque la saison sera plus favorable t’occuper toute à ton aise des nouvelles experiences que tu as en vüe et aux quelles je souhaite pour ton entiere satisfaction comme pour la mienne, tout le succés possible.

 

 

24 avril 1821 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

jespere mon cher Ami que la saison te procurera les moyens de reconnaitre l’efficacité de tes nouvelles données et je serai bien charmé d’en apprendre le resultat ; il parait, d’apres ce que tu veux bien me mander, que la nouvelle éxperience dont tu t’occupais annonçait un résultat satisfaisant. combien je desire que cet espoir se soit soutenu et qu’il t’ait dedommagé par le succés de ton ingénieux procédé de toutes tes peines et de tous tes soins ; l’essentiel, serait de trouver le moyen de conserver sans altération subsequente l’image de l’objet une fois bien gravée, car cest, autant que j’en puis juger que consiste toute la difficulté et il faut convenir, quelle paraitrait à tout autre qu’a toi mon cher Ami insurmontable. cependant j’ose esperer que tes ingenieuses et infatigables recherches, en viendront à bout et qu’une bonne inspiration mettra le comble à la satisfaction qu’une aussi étonnante decouverte devrait te faire, ainsi qu’[à] moi, te faire eprouver. C’est un de mes voeux les plus ardents. mais je te prie mon cher Ami malgré tout l’interet que j’éprouve en lisant les détails intéressants que tu veux bien me communiquer déviter de les circonstancier trop particulierement parceque, d’autres que moi pourraient peutêtre en profiter, cequi te serait très préjudiciable ; et surtout de ne pas les ecrire sur la derniere page de tes lettres qui est visible à tous ceux qui les reçoivent. C’est un conseil de l’amitié vive qui munit à toi mon cher ami qui me le suggere à ton égard.

 

 

11 mai 1821 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

j’espere mon cher ami que tes interessantes recherches seront aussi couronnées de tous les succés que tu dois en attendre et pour les quelles je fais les voeux les plus ardens ; je regrette bien que les circonstances te contrarient toujours et semblent te disputer le fruit de tes ingénieux et infatigables travaux. je vois avec grand plaisir que de nouvelles données te laissent appercevoir un moyen de vaincre les difficultés qui te restent à surmonter. Combien je desire que tu sois assez heureux pour y parvenir !

 

 

1822


11 janvier 1822 – Claude Niépce à Nicéphore et Isidore Niépce (MNN)

jai lu avec le plus vif interet, que l’effet si avantageux selon moi que tu as obtenu Mon cher ami de fixer la Couleur ; se soit soutenu dans les dernieres experiences au quelles tu l’as soummis, je serai bien curieux d’apprendre si la derniere que tu te proposais de faire aura bien reussi ; elle offrirait un grand avantage du coté de la nètteté et du poli de la surface qui recevrait l’image des objets. je desire de tout mon coeur que tu en obtiennes tout le succés possible.

 

 

19 juillet 1822 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

[Le] General Poncet (…) doit être ou surement (…) sera également entousiasmé de la beauté de ta decouverte ; dont les nouveaux succés m’ont causé la plus vive satisfaction. jai lù et relù avec admiration les intéressants détails que, tu as la bonté de me transmettre. je croyais te voir ainsi que ma chere soeur et mon cher neveu attentifs et suivant des yeux le travail admirable de la lumiere, et je croyais voir moi-même un point de vuë que j’ai eu grand plaisir a me rappeler. combien je desire mon cher ami qu’une experience aussi belle et aussi intéressante pour toi, et pour la Science ait pû avoir un resultat complet et definitif ! jen attends avec bien de l’empressement l’heureuse nouvelle et je l’appelle de tous mes voeux.

 

 

1823


5 mai 1823 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Reçois, M[on cher] ami, mes tendres et bien empressés remerciments pour ta trop obligeante attenti[on en] faveur du résultat de mes recherches. J’y vois un témoignage bien prétieux de ton affectue[use] amitié ; mais n’ayant pas encore entièrement atteint le but que j’ai en vue, je dois craindre de toute manière d’associer mon faible hommage au tien, en ne présentant que les premiers essais d’une découverte plus brillante qu’utile. Je dois donc redoubler d’effort et de zèle ; car il ne m’est plus possible de rester stationnaire maintenant surtout, mon cher ami, que je suis stimulé d’une maniere si puissante et si flatteuse. J’attendais pour faire l’expérience de mes nouveaux procédés à l’aide de la C.O. [chambre obscure] que la campagne fût dans tout l’éclat de sa parure, et ce moment est arrivé. Je me suis procuré chez Dejussieu, imprimeur, une pierre lithographique d’Allemagne d’excellente qualité. Elle est de 4 pouces plus grande que mon appareil, mais je la ferai rogner et ces rognures me seront fort utiles pour des épreuves en petit ; car les échantillons de pierre du pays dont je me suis servi jusqu’à présent sont pleins de défectuosités. J’ai déjà fait porter ma pierre chez le marbrier, et elle doit être prête les derniers jours de cette semaine. Aussitôt que je l’aurai je mettrai la main à l’oeuvre ; et si j’obtiens une petite épreuve bien faite avec les rognures de ma nouvelle pierre, j’aurai le plaisir de te la faire passer dans ma prochaine lettre.

 

 

1er juillet 1823 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Je m’empresse de répondre à ta très-chère lettre du 23 juin passé ; et pour commencer par la chose la moins utile, la moins intéressante pour nous, quant à sa nature ainsi qu’à ses résultats, je vais avoir le plaisir de <te> donner quelques détails sur l’objet qui m’occupe ; mais, d’après ton sage conseil, je m’abstiendrai de te parler désormais de ce qui pourra avoir rapport à mes procédés ; car je crois m’être un peu trop expliqué là-dessus dans ma dernière lettre. Je suis donc bien reconnaissant de ton attention à m’en faire appercevoir. J’ai discontinué mes épreuves trop en petit : je travaille à d’autres d’une dimension plus convenable. Après avoir vernissé une jolie gravure à l’aquatinta, et l’avoir rendu parfaitement transparente, je l’ai lithographié mais je crois m’être trop pressé et surtout j’ai négligé une précaution nécessaire, de sorte qu’une partie de la surface de la pierre empreinte du dessin ne se trouvant pas en contact avec l’acide, parce qu’elle n’était pas entierement découverte, je n’ai obtenu qu’une portion de l’image bien gravée. Malgré cela, cette expérience m’a fait grand plaisir, parce que j’ai été par là, mon cher ami, à portée de juger que les touches les plus fortes comme les plus délicates peuvent être également bien rendues par mon procédé. Je vois de même avec satisfaction qu’il ne me manque guère autre chose maintenant que l’usage de la manipulation tant pour mon procédé que pour ceux de la lithographie. Je vais recommencer cette même épreuve aussitôt que ma pierre aura été repolie. En attendant, j’ai vernissé une autre gravure beaucoup plus grande, et qui est aussi fort jolie, quoiqu’elle ne soit pas à l’aquatinta. Je compte m’en occuper dès que j’aurai lithographié la premiere aussi bien que je le désire et que j’ai lieu de l’espérer. Si j’y  parviens, mon cher ami, je m’empresserai de t’en faire passer une épreuve dans ma prochaine lettre. J’ai fait aussi deux essais de mon autre procédé à l’aide de mon petit appareil de quatre pouces. Quoique le résultat de ces deux essais n’ait été que partiel, tu apprendras avec plaisir, qu’il m’a démontré la solution du problème, au moins en cequi constitue le principe essentiel de la chose. Ce qu’il y a de singulier c’est que les contours des objets de même que leur teintes sont marquées avec une grande netteté, quoique le champ de l’image ait à peine quatre pouces de diamètre. Aussi m’a-t-il fallu pour cela employer un acide extrêmement faible, à raison de la petitesse des objets qui ne pouvaient être gravés profondément.

 

 

9 novembre 1823 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Le tems toujours mauvais m’ayant forcé de suspendre mes expériences, je suis privé bien malgré moi du plaisir de te donner de nouveaux détails à ce sujet ; mais la bise a repris depuis hier, et quoiqu’il fasse froid, si le beau tems continue, je ne manquerai pas de faire d’autres essais, et je m’empresserai de t’en communiquer le résultat dans ma prochaine lettre.

 

 

1824


24 février 1824 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

je vois avec la plus vive satisfaction que tu perfectionne sans cesse tes intéressants travaux, et que tu n’attends plus que le retour de la belle saison pour mettre à lepreuve les reflections, que l’hiver, t’aura laissé le temps de mûrir ; et que tu t’es determiné mon cher ami à toccuper principalement des points de vüe de paysage de preference, à la copie de tableaux. Un bon original dit-on vaut mieux qu’une copie ; quoique ces copies la eussent été pour l’art de vrais originaux. je te felicite donc de tout mon coeur détre au choix de moyens aussi précieux et aussi admirables qui surement lorsque tu les feras connaitre mon cher ami, ne peuvent manquer de te faire le plus grand honneur, et obtenir la glorieuse récompense, duë à des recherches aussi penibles, quelles sont ingenieuses.

 

 

9 mars 1824 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (ASR)

Je suis charmé d’apprendre, mon cher Ami, que tu es entierement quitte de ta fluxion, et que vous êtes tous en bonne santé, et que tu seras actuellement libre de reprendre tes interessants travaux. La belle saison qui s’approche sera aussi un nouveau motif d’encouragement et te facilitera les moyens de te rendre juge des améliorations que tu as meditées pendant l’hiver, qui a surement été pour toi, mon cher ami, un temps de privations, mais que tu sauras mettre à profit dès que le moment de les vérifier par l’expérience sera arrivé. Combien je m’y intéresse ! Et combien je te souhaite tout le succès possible, car si l’on éprouve de la satisfaction à perfectionner les idées utiles quoiquétrang<eres> combien est plus vive et plus délicieuse celle qu’on eprouve à perfectionner celles qui nous sont propres !

 

 

28 mai 1824 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (ASR)

Je te felicite de tout mon coeur, mon cher ami, de l’heureuse retrouvaille que tu as faite de ta composition ; combien il eut été pénible pour toi d’être retenu longtems à chercher ce que tu avais déjà ingenieusem<ent> trouvé je desire que le beau temps que tu attendais soit arrivé ; je l’espere, si j’en juge par celui qu’il fait ici ; car jusqu’à hier seulement il ne s’est presque pas passé un seul jour sans pluie ou, du moins, un ciel sombre et froid. Je desire bien que la gravure que tu te proposes de faire puisse bien reussir, et malgré tout l’empressement que j’aurais à en jouir moi-même en recevant une des epreuves, je te prie, mon cher ami, de ne pas prendre la peine de me l’adresser, par raison d’economie, car le port serait vraisemblablement très onereux, et ton avis me suffira parfaitement pour ma juste satisfaction.

 

 

13 juin 1824 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Tu as vu par ma dernière lettre, mon cher ami, que je me proposais de faire imprimer à Dijon une pierre gravée d’après la lithographie dont j’ai eu le plaisir de te parler, et que Mr Carbillet se chargerait de ma commission. Comme il avait lui-même quelque affaire dans cette ville, et qu’il est lié avec l’imprimeur-lithographe, je lui ai remis ma pierre, et il est parti il y a eu jeudi 8 jours. Il était de retour lundi, mais je n’ai pu avoir de ses nouvelles que jeudi passé. Il m’a remis une note du lithographe, qui n’appercevant sur la pierre ni dessin, ni eau gommée, s’est trouvé fort embarrassé et s’est imaginé que les procédés lithographiques avaient été mal appliqués ; ce qui l’avait <obligé> de suspendre son travail jusqu’à la réception de ma réponse. Cependant, pour prévenir toute difficulté, j’avais eu soin d’écrire à Mr Carbillet que mes procédés n’ayant aucun rapport avec ceux de la lithographie, ma pierre devait être imprimée comme les planches de cuivre gravées à l’eau forte ; mais il paraît qu’ils ne m’ont pas mieux compris l’un que l’autre. J’ai répondu hier au lithographe, en lui expliquant la chose d’une manière encore plus claire, sans toute fois me compromettre. Je lui ai dis de tirer seulement quelques épreuves pour me rendre raison du résultat obtenu. J’attends sa réponse au premier jour, et je ne manquerai pas de t’en faire part, mon cher ami, la prochaine fois que j’aurai le plaisir de t’écrire. Je regrette que mon attente ait été trompée ; car j’espérais t’annoncer quelque chose de positif, et c’est en partie ce qui est cause du retard de ma lettre. Quant à ce qui concerne les points de vue, je te dirai que depuis assez longtems et même tout récemment, je m’étais assuré que celui pris de la chambre où je travaille, qui donne du côté de la basse cour, était desavantageux enceque les objets, au lieu d’être éclairés en face par le Soleil, l’étaient obliquement à peu près jusqu’à son coucher ; ce qui nuit singulièrement à l’effet. J’ai donc placé mon appareil dans ta grande chambre qui donne en face du Gras. Je comptais déjà sur un succès complet ; car tout paraissait marqué d’une manière bien nette ; mais par suite d’un manque de précaution de ma part, il s’est trouvé des taches nombreuses ; de sorte que j’ai abandonné cet essai pour en recommencer un autre que je viens de placer aujourd’hui seulement, dans ma grande C.N [chambre noire] ; parce que nous avons eu de la pluie ces jours passés. Cette fois-ci je prendrai mes précautions en conséquence. M[ais] ce que je puis certifier, mon cher ami, c’est que ce contretems ne prouve rien [contre] le procédé qui est excellent, je puis le dire, et même immanquable. Mr Car[billet] n’y concoit rien : il en est stupéfait d’étonnement. A l’aide de ma composition actuelle je suis aussi parvenu à graver sur le cuivre rouge comme sur la pierre ; résultat que je n’avais obtenu que très-imparfaitement avec mon autre procédé. Je me propose même d’en faire l’essai plus en grand, et j’espère avoir le plaisir de t’en annoncer le résultat dans ma prochaine lettre.

 

 

28 juin 1824 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

depuis longtems, cher Cousin, je m’occupe aussi [d’une] découverte qui n’a aucun rapport à la Mécanique, et [qui sans] être à beaucoup près, aussi belle, aussi importante que celle de mon frère, ne sera pas sans utilité pour les arts, ni moins propre peut être à piquer la curiosité. j’aurai le plaisir de vous en dire d’avantage là dessus, lorsque ce nouvel objet de mes recherches m’aura fourni un dernier résultat qui doit être décisif, et que j’espère obtenir promptement.

 

 

3 septembre 1824 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

reçois donc, je te prie, mes tendres et empressées félicitations, sur les heureux resultats que tu as obtenus. ils sont tels que tu pouvais les esperer puisqu’ils confirment tes esperances, d’avoir les moyens de graver sur pierre sur cuivre et sur verre ! qu’en faut-il de plus mon cher ami, pour te faire le plus grand honneur et te dedommager amplement de toutes les peines et touts les efforts quexigeait une aussi brillante decouverte ; et quoiquelle soit encore dans sa naissance tu y as déjà on peut le dire des pas de géant ; car daprés tes derniers essais, sur les points de vuë, tu dois avoir mon cher ami lespoir fondé de reussir ; puisque tu as déjà obtenu certains détails qui prouvent la possibilité de reussir en totalité, la difficulté est sensible à raison de tes justes observations par la faiblese de leffet des mezo-tinto (sic) il serait possible je presume d’augmenter l’intencité de l’image en la recevant reflechie d’une glace qui la communiquerait ensuite à la C.O. [chambre obscure]. C’est une idée qui m’est venuë, et que tu auras eu surement, mon cher Ami, avant moi, s’il est possible d’obtenir un tel effet, car la gravure des points de vuë est encore plus magique, que l’autre qui n’est rien moins qu’un colifichet ainsi que tu veux bien la nommer, mais une decouverte des plus utiles, et des plus brillantes du siècle et je suis persuadé et je le desire de tout mon coeur qu’elle sera infiniment productive ; mais quoique lautre decouverte soit aussi en partie de ton domaine mon cher ami puisque tu y as travaillé comme moi, cependant celleci t’appartient exclusivent (sic), et malgré tes génereuses et tendres intentions, jespere bien quelle sera aussi ton patrimoine exclusif.

 

 

16 septembre 1824 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Depuis ma dernière lettre j’ai été un peu contrarié par le mauvais tems ; malgré cela, j’ai la satisfaction de pouvoir t’annoncer enfin, qu’à l’aide du perfectionnement de mes procédés je suis parvenu à obtenir un point de vue tel que je pouvais le désirer, et que je n’osais guère pourtant m’en flatter, parce que jusqu’ici je n’avais eu que des résultats fort incomplets. Ce point de vue a été pris de ta chambre du côté du Gras ; et je me suis servi à cet effet de ma plus grande C.O. [chambre obscure] et de ma plus grande pierre. L’image des objets s’y trouve représentée avec une netteté, une fidélité étonnantes, jusque dans ses moindres détails, et avec leurs nuances les plus délicates. Comme cette contre-epreuve n’est presque pas colorée, on ne peut bien juger de l’éffet qu’en regardant la pierre obliquement : c’est alors qu’il devient sensible à l’oeil, à l’aide des ombres et des reflets de lumière, et cet éffet, je puis le dire, mon cher ami, a vraiment quelque chose de magique. Il y a déjà plusieurs jours que mon expérience est faite : mais j’ai voulu laisser sécher la pierre avant de la passer à l’acide pour la graver, et comme je suis bien aise que Mr Carbillet la voie auparavant parce qu’il serait possible que cette opération ne réussit pas complettement ; je l’ai fait avertir, et il doit venir après-demain. Je n’ai pas lieu de craindre que cette prévenance de ma part puisse compromettre mon secret, et il n’est pas capable non plus d’en abuser : d’ailleurs, il n’y verra, comme on dit, que du feu. J’avais pris aussi deux autres points de vue du côté de la basse cour ; l’un sur verre et l’autre sur pierre avec mes petites Ch.O. Le premier a manqué parcequ’il s’est trouvé trop faible de ton ; le second était très bien rendu mais il a mal réussi parce que j’ai voulu le graver avant que la pierre fût bien sèche. C’est faute d’attention de ma part, et non par suite de l’imperfection de mes procédés qui ont été appliqués de même dans mes trois expériences. J’ai fait, à tout événement, un nouveau point de vue du Gras, sur mon autre grande pierre, et j’ai recommencé mes deux petits points de vue, sur pierre et sur verre, du côté de la basse-cour. Les deux premiers seront prêts samedi prochain, et celui sur verre, qui a été mis plus tard, lundi soir. De cette manière, mon cher ami, j’a[urai] de la marge, et je serai en avance sur les détails que je réserve pour ma prochaine lettre. En att[endant] tu peux, dès aujourd’hui, regarder comme une chose démontrée et incontestable, la réussite de l’ap[plication] de mes procédés aux points de vue, soit sur pierre, soit sur verre. Dimanche ou lundi, je compte passer à l’acide mon premier point de vue du Gras, et si cette opération a le résultat que j’ai lieu d’espérer, je m’occuperai de suite du moyen de faire tirer des épreuves. Alors, mon cher ami, nous n’aurons plus qu’à exploiter ce filon de la Grande Mine ; et comme il faut battre le fer quand il est chaud, tu penseras sans doute comme moi, que le plus tôt sera le meilleur, car il y a trop longtems que nous faisons abnégation de notre intérèt personnelle (sic), et il est bon que nous nous occupions un peu plus des espèces. Je suis aussi reconnaissant que vivement pénétré, mon cher ami, des choses tendres et trop flatteuses que tu veux bien me dire à l’occasion de mes recherches. J’ose espérer que cette fois tu ne refuseras pas d’entrer en partage des faibles avantages honorifiques et pécuniaires qui pourront en résulter. Tu as eu comme moi, la première idée de cette découverte à laquelle nous avons travaillé ensemble à Cagliari ; elle doit donc paraître sous ton nom comme sous le mien, et être utilisée en commun. Nous verrions avec bien de la peine qu’il en fût autrement ; car elle perdrait par là ce qui lui donne plus de prix à mes yeux ; et je ne pourrais moi-même consentir à accepter l’offre généreuse que tu veux bien me réitérer d’une maniere si affectueuse et si obligeante.

 

 

28 septembre 1824 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (ASR)

J’attends avec bien de l’empressement, mon cher ami, les détails que tu as la bonté de m’annoncer, si le temps qui a été bien contraire ici du moins ne ta pas empeché de suivre tes interessantes recherches ; je le souhaite bien vivement, car il serait bien essentiel, que tu pusses profiter du reste de la belle saison pour les completter,ce qui me paraît heureusement bien avancé.

 

 

8 octobre 1824 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Dans ma dernière lettre je te témoignais quelque incertitude sur le résultat de l’application de l’acide à mes épreuves sur pierre et malheureusement je ne me trompais pas. L’acide a gravé, quoique faiblement, certaines parties du paysage ; mais celles qui auraient dû l’être d’avantage comme étant moins éclairées, n’ont point été attaquées. J’attribue ce contretems à deux causes que je ne pourrais t’expliquer, mon cher ami, sans m’exposer à en dire trop ou trop peu. L’ingénieuse idée que tu as bien voulu me suggérer dans ton avant-derniere réponse serait sous ce rapport très-propre à remplir mon objet, s’il était possible de rendre l’image plus lumineuse à son foyer, sans nuire à l’obscurité intérieure qui est également nécessaire : c’est une difficulté que tu jugeras peut-être comme moi à peu près insurmontable. Mais l’expérience m’a mis à portée de connaître que l’effet est d’autant plus sensible que le fond sur lequel l’image se peint est plus blanc ; d’où il résulte que les pierres de cette couleur-là seraient bien préférables aux autres ; mais je n’en ai point, et je ne sais où l’on pourrait s’en procurer qui eussent d’ailleurs les autres qualités requises. Au reste avec un peu plus de tems je puis obtenir le même effet ; ainsi le mal, de quelque cause qu’il provienne, n’est pas sans remède. La partie la plus essentielle du problème est entièrement résolue ; et quant à la difficulté que présente l’application de l’acide, j’espère bien, mon cher ami, en venir à bout avant la mauvaise saison, à moins que le vent et la pluie qui depuis plusieurs jours m’empêchent de rien faire ne se prolongent jusqu’à la fin de l’automne.

 

 

22 octobre 1824 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

Je te suis bien obligé des details interessants qui tu as la bonté mon cher ami de me communiquer sur tes dernieres expériences ; je regrette beaucoup que le mauvais temps soit venu les interrompre ; je suis bien sensible au remerciment que tu veux bien madresser sur l’idée qui m’est venuë et j’ai présumé comme toi mon cher ami que la lumiere interieure pourrait nuire à la vivacité de l’image mais peutêtre pourrait-on parvenir à parer à cet inconvenient et je m’en suis rapporté entierement mon cher Ami à ta sagacité, je desire donc de tout mon coeur que la saison puisse favoriser tes interessants travaux

 

 

26 novembre 1824 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Quant à l’objet de mes recherches, je vous dirai, cher Cousin, qu’elles sont la suite d’une idée premiere que nous eumes, mon frère et moi, il y a bien des années. lorsque mon frère partit pour Londres, il fut convenu que je m’occuperais de cet objet-là qui présentait plus d’un genre de difficulté. le problème à résoudre, consistait à fixer d’une manière exacte et durable, l’image des objets représentés dans la chambre noire, et à les transmettre par la gravure sur pierre. J’ai résolu la première partie du problème, et j’espère parvenir également à la solution de l’autre : car, pouvant à l’aide de mon même procédé, copier toute sorte de dessins et d’estampes, j’ai déjà obtenu sur pierre, des contre épreuves d’une gravure lithographiques ; cequi doit me faire bien augurer du résultat définitif. mais depuis fort longtems, la mauvaise saison ne me permet plus de suivre ce travail surtout pour cequi regarde les points de vues : et je vois qu’il me faudra l’ajourner encore jusqu’au printems. D’après le peu de détails que je viens de vous donner, vous jugerez, cher Cousin, que la chose n’est pas très facile, et qu’il y aurait plus que de la témérité à se flatter d’un succès complet et d’emblée. jusque là, je désire qu’elle soit comme non avenue : c’est un secret que je place avec pleine confiance, sous la garantie de votre discrétion. Conformément à mes assurances précédentes, aussitôt après l’annonce du Consummatum est, je m’empresserai de vous la notifier en bonne et due forme, ainsi qu’au Cousin de Ternant. nous causerons alors de tout cela avec un double motif d’intérèt, puisque le désir de vous être utile, cher Cousin, ne sera plus pour nous une vaine illusion ; mais en attendant, motus ! motus !

 

 

2 décembre 1824 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Le mauvais tems continue toujours, mon cher ami, et je ne sais vraiment plus quand il finira. C’est alternativement de la pluie et un vent violent de S. O. qui malgré cela laisse le ciel toujours triste et nébuleux. Je suis donc, à mon grand regrèt, forcé de suspendre mes recherches. J’ai bien tenté de faire quelques expériences à la lumière diffuse ; mais elles ont été sans succès. J’aurais pourtant désiré me rendre raison de mes précédentes données sur l’application de mes procédés à l’impression lithographique. L’objection que tu me fais à ce sujet-là, mon cher ami, me paraît forte, et c’est un motif de plus pour que je cherche à m’assurer si mes conjonctures sont bien ou mal fondées. Je vois que le soleil s’inclinant de plus en plus à l’horison, son action est si faible qu’elle devient à peu près nulle pour les points de vue ; ainsi ce n’est qu’après le Solstice que je pourrai faire usage de mes appareils ; mais si le tems se met au beau, je continuerai mes recherches sur la copie des Gravures, soit sur pierre soit sur verre, et sur l’emploi des procédés lithographiques pour l’impression ; ce qui me sera toujours fort utile. Les jours, quoique mauvais, s’écoulent bien rapidement et il me tarde de réparer ceux que j’ai perdus.

 

 

1825


24 janvier 1825 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

j’avais le plaisir dans ma lettre du 14 xbre de te faire part dune idée que m’avait suggeré ceque tu avais bien voulu me communiquer sur ton projet de faire usage de la gravure lythographique. je desire que cette idée ait pü te paraitre quelque utilité (sic), et que tu ayes eu mon cher ami, le temps d’en faire l’experience. j’en apprendrais le resultat avec bien de la satisfaction ainsi que celui de nouvelles recherches, dont tu avais l’intention de t’occuper.

 

 

5 juin 1825 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Depuis votre départ, cher Cousin, j’ai été contrarié tour à tour par le mauvais tems et quelques visites inattendues. Je vois avec regrèt la plus belle saison de l’année s’écouler d’une manière aussi peu satisfaisante sous le rapport de l’objet qui m’occupe. Ce motif me détermine à suspendre jusqu’à nouvel ordre, l’application de mes procédés à la copie des Gravures, puisque je puis y travailler également bien pendant la mauvaise saison ; et <à> me livrer exclusivement à la gravure des points de vue. Un essai de ce genre que je viens de faire, me démontre que l’acide agit suivant la dégradation des teintes ; de sorte qu’il est possible d’obtenir, c’est-à-dire, de rendre sensible par ce procédé, les nuances les plus délicates ; cequi serait le lavis dans toute sa perfection ; mais pour y arriver, je ne me dissimule point les difficultés que j’aurai à surmonter quant aux opérations manuelles qui exigent nécessairement une grande pratique. Je m’occuperai en même tems des points de vue sur verre ; genre de gravure ou de peinture que la transparence de l’image rend plus susceptible de se prêter aux illusions du clair-obscur et de la perspective aërienne. Vous voyez, cher Cousin, que je n’attends plus que le signal du beau tems pour me lancer dans la carriere. Je craindrais de m’y hasarder, si je n’avais d’autre guide que l’imagination dont le prisme en effet, n’est rien moins qu’achromatique et périscopique ; mais cequi me donne quelque assurance c’est la certitude bien démontrée du principe, et le résultat satisfaisant de plusieurs essais sur ses différentes applications. J’attends avec impatience, mes planches de cuivre ainsi que le prisme-ménisque pour ma nouvelle chambre obscure. Mr de Champmartin ne doit pas tarder de me les envoyer ou de les apporter lui-même.

 

 

23 juin 1825 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

C’est seulement le 20 Juin que j’ai reçu votre lettre datée du 15. La Chambre Obscure entière, montée en Cuivre, la Table et les montans brisés, rideaux &c. = (100 f). L’appareil seul (c’est à dire la partie supérieure qui tient le prisme) monté en Cuivre = (55). La poulie seule (après quoi s’adapte l’appareil et les rideaux) en noyer = (10). En vous décidant, Monsieur, pour l’un ou l’autre appareil, on déduira de sa valeur celle du prisme que vous fournirez et qu’on y adaptera.

 

 

7 août 1825 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Je ne mérite guère ce que tu veux bien me dire de trop obligeant à l’égard de mes recherches ; mais je fais tous mes efforts pour m’en rendre digne. La préférence marquée que tu parais donner à l’application sur cuivre de mon procédé, m’a déterminé à m’en occuper exclusivement pendant les 3 mois qui me restent encore pour prendre des points de vue ; et dans le fait, je vois que je n’ai pas de tems à perdre. Je grave sur cuivre dans ce moment un cheval avec son conducteur, et un point de vue pris de la chambre où je te travaille. Il m’a fallu m’y prendre différemment pour l’emploi de l’eau forte à laquelle j’ajoute une quantité d’eau telle que le métal se trouve oxidé sans être dissout. Il est faiblement attaqué ; mais le vernis est bien ménagé, ce qui est une chose très-essentielle. Je puis de cette manière répéter l’opération, c’est à dire, peindre et graver tour à tour, jusqu’à ceque j’aie obtenu le creux suffisant pour l’encre d’impression. Tu juges par là, mon cher ami, que mon procédé à sous ce rapport un avantage que n’offre pas la gravure ordinaire. Il faut plus de tems il est vrai ; mais j’espère en être bien dédommagé d’un autre côté. Pour le cheval de même que pour le point de vue, tout jusqu’ici s’opère comme je l’imaginais. L’action de l’acide suit la dégradation des teintes, et le métal est attaqué peu à peu, sans que le champ de l’image se trouve endommagé ainsi que ça m’arrivait lorsque je me servais d’un acide plus concentré. Une chose à remarquer, quant aux points de vue, c’est que le premier résultat ne présente que l’ensemble des objets ; et que les détails les plus délicats se peignent ensuite, et se gravent successivement. C’est ce que je suis à portée d’observer quoique je ne sois encore qu’à la seconde opération. S’il ne survient pas de difficulté imprévue, j’ai grâce à Dieu, le plus grand espoir d’atteindre entièrement le but pour la gravure sur cuivre des points de vue ; application l[a plus] importante, sans contredit, de la découverte qui m’occupe. J’aurai, mon cher ami, [dans] ma prochaine lettre, le plaisir de te faire part du résultat que j’aurai obtenu.

 

 

25 octobre 1825 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

labor improbus omnia vincit. J’ai vérifié moi-même cet adage quant à l’objet de mes recherches : je suis enfin parvenu à graver correctement sur cuivre, et je vais faire imprimer deux ou trois copies de gravures obtenues d’après le perfectionnement de mes procédés. Si les épreuves viennent bien, j’aurai le plaisir de vous en envoyer. Je regrette d’être encore en arriere pour les points de vue : mes perfectionnemens sont arrivés un peu trop tard pour la saison ; mais j’ai la conviction d’un succès ultérieur, et c’est déjà beaucoup. J’ai aussi commissionné pour un prisme ménisque dont j’ai le plus grand besoin pour donner à mes recherches toute l’extension dont elles sont susceptibles.

 

 

8 novembre 1825 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai remis aujourd’hui le Prisme monté en Cuivre à la personne qui me l’a apporté (…) Je pense que cette monture vous satisfera ; le foyer de votre prisme est bien court ; il doit vous donner les images très petites : Cette personne m’a dit que vous étiez parvenu à fixer les rayons de la Chambre Obscure sur tel Corps que vous desirez. cette découverte m’a paru si étonnante que j’ai pensé qu’elle se trompait, et à moins que vous ne me donniez l’affirmative je n’y croirais pas encore !

 

 

7 décembre 1825 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai appris avec plaisir que votre découverte vous donne des résultas satisfaisans. Elle est d’une importance toute majeure. Le prisme que je vous ai envoyé a été fait d’après votre demande à un foyer de 15 pouces ce que je trouve très court, les machines que je construis ordinairement ont un foyer de 34 pouces ou bien de 26 pouces et c’est pour des foyers tels que les montans, rideaux &c. sont disposés. Il faudrait me dire si vous desirez une machine pour votre prisme, car alors il faudrait la faire exprès, ce qui vous ferait un peu attendre, et la table se trouvant très rapprochée du prisme, ce qui est incommode ainsi que la petite dimension de l’image. Je vous conseillerais, Monsieur, de prendre une Machine toute montée avec foyer de 34 pouces, monture de cuivre, montans, rideaux, le tout pour 100 francs Le prisme s’adaptant à la même machine pr dessiner les objets rapprochés (c’est à dire le Mégascope) comme une fleur, une gravure, un portrait &c. pr. 25 f. Je pourrais vous reprendre en échange pour 35 francs l’appareil que je vous ai vendu (à cause du déficit que me ferait le foyer de 15 p.). Je ne pense pas que la Chambre Claire puisse vous convenir, mais le Mégascope vous serait fort avantageux. Quand au déplacement de l’objet, j’y pense et je crois y parvenir tout en conservant de la netteté aux images. Aussitôt que j’aurai un résultat satisfaisant, je vous le ferai connaître (il sera sûrement facile d’adapter le verre qui renverse les objets à la Chambre de 34 pouces). Quand aux descriptions que vous me demandez, je n’ai que celle de la Chambre Claire ; je vous la ferai parvenir à la première occasion.

 

 

8 décembre 1825 – Claude Niépce à Nicéphore Niépce (MNN)

recois mes sinceres et tendres remerciments mon cher Ami pour les interessants details que contient ta chere lettre relativement à tes interessants travaux et de tes heureux succès ; tu as eu bien raison de ne pas te priver de l’ingenieux appareil dont tu as bien voulu me donner une exacte et claire explication. je pense comme toi que cet appareil ne pouvait venir plus à propos, pour completer le succès de touts les genres de gravures aux quels tu l’employeras et je pense que l’effet sera infiniment plus avantageux que lautre maniere de reflechir l’image. Je desire bien vivement que l’ami de Mr Carbillet puisse te renvoyer mon cher ami des epreuves qui puissent laisser voir le trait d’une maniere sensible afin quavec ton ingenieux procedé de retoucher les parties qui ne seraient pas assez prononcées tu pusses les corriger cequi mettrait le dernier sceau à ta curieuse et sublime decouverte. je te prie mon cher ami de témoigner de ma part à Monsieur Carbillet combien je suis sensible à son bon souvenir, et infiniment flatté de sa genereuse intention pour la place qu’il veut bien destiner à illustrer mes faibles travaux, ainsi qu’aux tiens mon cher Ami.

 

 

1826


6 janvier 1826 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai remis le 5 Janv. aux Diligences Royales la caisse contenant la Chambre Obscure avec prisme Mégascope, le tout bien emballé. Le Coût est savoir : 1 Chambre Obscure (100) ; 1 Prisme Mégascope (25) ; Emballage (4) = Du (129) ; Reçu 1 petit prisme monté valeur (35) = dû net (94). J’ai mis beaucoup de soins aux prismes et j’espère vous avoir envoyé une Chambre Obscure perfectionnée. Il y a dans la boîte l’instruction pr la Chambre Claire, pr le microscope et pr la Chambre Obscure. Je joins ici quelques détails que je désire qui vous soyent Agréables (…) : L’usage de la Chambre Obscure est à peu près le même que celui de l’ancienne (voir la notice). Le prisme Mégascope se met à la place de celui destiné au paysage et pour s’en servir on se dispose de même ; l’objet doit être très éclairé comme par ex. des rayons du soleil et le papier à l’obscurité. L’objet se place à la hauteur du prisme et à une distance de cinq à six pieds. Ainsi disposé on se placera dans la Chambre Obscure et l’on elèvera le papier jusqu’à parfaite netteté de l’objet à peindre. Plus l’objet sera près du verre plus il se représentera grand et le papier devra être plus éloigné. Par conséquent lorsque l’objet sera loin le papier devra être plus près du verre et l’image plus petite. Quelques essais mettront à même de se servir avec avantage de ce prisme. Il y a un moyen bien efficace de retourner l’objet en conservant la netteté c’est d’employer un verre simple (ainsi que le fit Porta lors de la découverte de la Chambre Obscure), mais alors le plan qui reçoit l’image est vertical. On obtient des effets surprenans de netteté et de précision lorsqu’on a un verre bien travaillé, bien pur et bien disposé en voici la figure (…) On place le Verre dans un tube que l’on met au volet d’une Chambre bien Obscure, et l’on reçoit à son foyer une image C’ de l’objet C.

 

 

14 janvier 1826 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Ainsi que je vous le mandais dans le tems, cher Cousin, j’ai fait tirer à Dijon quelques épreuves de mes gravures sur cuivre ; mais, soit de ma faute, soit de celle de l’imprimeur, ces épreuves n’ont point la netteté et la correction désirées. Au reste, je devais m’y attendre d’après les défectuosités inhérentes à mon procédé. J’ai reçu enfin hier, la nouvelle chambre obscure avec prisme pour le paysage, et prisme-Mégascope pour copier les objets peu éloignés, tels que fleurs naturelles &c. portraits et gravures. J’espère obtenir à l’aide de ces nouveaux instrumens, des résultats entièrement satisfaisans, et je m’en occuperai aussitôt que la saison me le permettra.

 

 

12 mars 1826 – Isidore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Vous trouverez, mon cher Cousin, avec le tarif des Pompes, un essai des gravures de mon père. L’épreuve est faible en couleur : cela tient de ce que le cuivre n’était point assez attaqué ; mais c’est un deffaut facile à corriger, et qui ne regarde nullement le procédé de mon père. (…) Lorsque vous n’aurez plus besoin des papiers que je vous envois, je vous prie, de vouloir bien nous les faire passer, excepté la gravure et ce qui concerne les pressoirs, qui sont à votre disposition, et que vous pouvez sans scrupule, mettre dans votre grèffe.

 

 

23 mai 1826 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai reçu la chambre obscure en bon etat excepté les rideaux froissés et des taches au cuivre. Je reprendrai cet instrument pour 95 francs. Je m’empresse de remettre aux diligences le verre mégascope et l’objectif de la chambre obscure (…) J’ai l’espoir que cet arrangement vous conviendra (j’aurais mieux aimé que vous conserviez la machine).

 

 

26 mai 1826 – Nicéphore Niépce à Isidore et Eugénie Niépce (George Eastman House)

Mes travaux héliographiques sont en pleine activité. j’ai fait venir de nouvelles planches d’étain : ce métal convient mieux à mon objet, principalement pour les points de vue d’après nature, parceque réfléchissant d’avantage la lumiere, l’image parait beaucoup plus nette : je me félicite donc de cette heureuse inspiration (…) Lorsque vous serez à Grénoble n’oubliez pas, je vous prie, la demi-douzaine de peaux de chevreaux dont on fait les gants de femme, pour mes tampons : je suis presque dépourvu de ce côté-là.

 

 

16 juin 1826 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Quant aux recherches qui m’occupent ; j’ai éprouvé un retard très considérable par suite d’expériences aussi infructueuses que multipliées, faites avec le mégascope prismatique que j’avais reçu de Paris (…) il m’a fallu le renvoyer à l’opticien qui a bien voulu reprendre le tout moyennant une perte de 5 francs, et j’ai fait venir un Mégascope lenticulaire avec un objectif de 2 piés de foyer, pour chambre obscure ordinaire ; mais cet appareil, qui doit servir à la fois pour les deux verres, n’est pas encore disponible. depuis lors j’ai repris et je continue toujours mes recherches à l’aide de mon premier procédé. je n’emploie plus le cuivre, mais l’étain ; ce dernier métal réfléchissant mieux la lumière à raison de sa blancheur, et pouvant être dissout par un acide beaucoup plus faible. cette heureuse idée m’est venue il y a quelques tems, et je m’en félicite ; car j’ai déjà obtenu des résultats très satisfaisans. je grave dans ce moment un sujet assez joli : aussitôt que la planche aura assez de creux pour recevoir l’encre d’impression, j’en ferai tirer des épreuves, et je vous en enverrai. vous ne devez pas douter, cher Cousin, de tout le plaisir, de tout l’empressement que j’y mettrai.

 

 

9 aout 1826 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

J’ai reçu avec votre lettre du 4 de ce mois, mon cher Cousin, le volumineux paquet de gravures que vous vous êtes empressé de m’expédier. J’étais bien sûr de votre ponctualité, car vous n’êtes jamais en arrière lorsqu’il s’agit d’obliger ; aussi en suis-je d’autant plus reconnaissant, et je vous en remercie de tout mon coeur. J’ai fait l’inventaire de ce Museum ambulant où se trouvent plusieurs morceaux de l’École anglaise. Entre autres les portraits de quelques grands personnages, voir même des caricatures fort plaisantes. J’ai parcouru la ville de Londres où j’ai failli me perdre dans les vapeurs du charbon de pierre ; cequi m’a empêché d’admirer en détail, toutes ses beautés. J’ai jetté aussi un léger coup d’oeil sur d’autres points de vue également remarquables par cette teinte vaporeuse… Enfin, en sortant de là j’ai exhumé les restes du phoenix des docteurs, du célèbre Erasme, et j’ai recueilli un malheureux attaché tout nud, par les poignets à un poteau. On est toujours bien inspiré quand on fait une bonne oeuvre, et j’espère que celle-ci me portera bonheur… plaisanterie à part, je crois, cher Cousin, autant qu’il m’est possible d’en juger par mes faibles lumières, qu’en choisissant ces 2 morceaux j’ai été dans le fait, assez bien inspiré. cequi m’a surtout décidé, c’est que le papier de ces gravures est très mince, et par là d’autant plus susceptible de devenir transparent à l’aide du vernis. J’aurais bien encore jetté mon dévolu sur un sujet tiré de l’École d’Italie, et qui ne me semble pas moins bon ; mais par malheur, il est d’une trop grande dimension pour mes planches : au reste, je ne serai pas au dépourvu de ce côté-là ; le plus important pour moi, est d’obtenir un résultat décisif quant à la profondeur du trait de la gravure ; afin de pouvoir tirer des épreuves correctes. J’ajourne d’ailleurs jusqu’à nouvel ordre, cette partie de mon travail, me bornant pour le présent, à la copie des points de vue d’après nature, ne fut-ce d’abord que pour constater un fait que bien des personnes désirent connaître, et dont beaucoup d’autres peuvent encore douter. On a raison de dire, cher Cousin, qu’à quelque chose malheur est bon. Je suis véritablement peiné du fâcheux incident qui vous a fait évacuer à Pommard ; mais je n’ai pas lieu de m’en plaindre pour mon compte, grâce à l’excellente trouvaille dont vous me parlez. Vous savez qu’une seule planche ou portion de planche gravée à l’eau-forte, assez bien pour fournir des épreuves, me suffit comme terme de comparaison : je verrais donc avec regrèt que Monsieur de Joursanvault prît la peine de m’adresser audelà de ce dont j’ai besoin momentanément ; mais je n’en suis pas moins très reconnaissant de cette offre obligeante et très sensible, cher Cousin, à cette heureuse prévision de votre part. En attendant, veuillez tenir note de ma petite observation, pour en faire usage si vous êtes informé à tems, de l’envoi dont il s’agit.

 

 

8 octobre 1826 – Nicéphore Niépce à Vincent Chevalier (AAS)

je ne me suis pas encore servi du Mégascope ; mais j’ai fait avec votre objectif de 2 piés de foyer, adapté à une nouvelle chambre obscure, quelques essais dont le résultat a été peu satisfaisant. ceci ne prouve rien, Monsieur, contre la bonté du verre que vous m’avez fourni ; mais ça tient à une cause que vous ne pouviez pas plus prévoir que moi, et que l’expérience seule pouvait me faire connaître. Sous le rapport des recherches qui m’occupent, il me parait démontré maintenant, que je ne puis réussir qu’à l’aide d’une combinaison qui me mettra encore dans le cas de recourir à vous, Monsieur, pour d’autres verres lenticulaires de différens foyers. je suis trop pressé dans ce moment, pour m’étendre d’avantage là-dessus : j’ai d’ailleurs quelques autres expériences à faire, surtout avec le Mégascope qui nécessitera probablement les mêmes modifications.

 

 

2 novembre 1826 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Je ne me suis encore servi que de deux de vos gravures : l’une (.le portrait de Ramus.) [sic] tachée et plissée en quelques endroits, ne m’a produit qu’un mauvais résultat : l’autre, représentant le Cardinal d’Amboise, meilleure et mieux conservée, m’a fourni des épreuves plus fortes de ton que toutes celles que j’avais obtenues précédemment ; mais l’impression, confiée à un mauvais imprimeur du pays, manque de netteté et de correction ; cequi la rend très défectueuse ; sans cela, cher Cousin, j’aurais eu le plaisir de vous faire passer une ou deux de ces épreuves. Il résulte de là, je puis le dire, une amélioration importante ; et, si dans ce genre d’application de mes procédés, je n’ai pas tout à fait atteint le but, j’en suis trop près pour ne pas espérer d’y arriver promptement. J’ai préparé à cet éffet, une autre de vos gravures, le portrait d’Étienne Pasquier ; et je ne négligerai rien pour que cette nouvelle tentative ait un succès décisif. Quant à mon expérience sur les points de vue d’après nature, le mauvais tems m’a forcé de les suspendre, et j’en resterai là probablement, jusqu’au retour de la belle saison ; mais, à l’aide d’une certaine combinaison de mes procédés d’optique, je suis parvenu à donner une plus grande netteté à l’image représentée, et même à la graver sur métal d’une manière assez sensible pour pouvoir juger de l’éffet, quoique d’ailleurs le champ de l’image soit trop resserré à raison du court foyer des verres ; inconvénient qui n’aurait pas lieu dans le cas contraire, et auquel mon premier soin sera de remédier. Vous jugerez d’après cela, cher Cousin, que je ne manquerai pas d’occupation cet hiver, pour peu que le tems me favorise.

 

 

5 novembre 1826 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

depuis ma dernière, sauf un ou deux autres essais sur les points de vue, qui ont également bien rempli mon attente sous le rapport de l’éffet général, la pluie, le brouillard et le froid ne m’ont pas permis de poursuivre mes recherches. J’ai vainement tenté d’autres expériences de ce genre ; elles n’ont eu aucun succès, ce que je crois pouvoir attribuer à la moindre intensité du F.L [fluide lumineux] et principalement à l’abaissement de temperature qui condensant l’humidité de l’air sur mes objectifs les rend comme dépolis et produit sur mes planches d’étain un éffet encore plus fâcheux. Comme la nature commence déjà à se dépouiller et que la mauvaise saison semble précipiter son retour, je ne puis guère me flatter de faire de nouveaux essais sur les points de vue et je vois qu’il faudra me borner à copier des gravures d’après mon procédé ordinaire pour parvenir à une parfaite réussite, ou bien à l’aide du Mégascope, si je puis m’en servir dans ma chambre. J’aurai aussi à m’occuper de quelques nouvelles applications de mon procédé d’optique ; ainsi tu vois, mon cher ami, que mon tems pourra être utilement employé : celui qui s’est écoulé depuis la reprise de mes travaux, n’a pas été perdu, grâce à Dieu. Pour ce qui concerne la copie sur étain, des gravures, j’ai obtenu un trait plus net, plus profond et plus correct ; (Je te remercie, mon cher ami, de tout mon coeur, du sage conseil que tu veux bien me donner à cet égard là ; je le suis assez souvent pour la copie des gravures ; mais pour celle des points de vue ou il n’y a point de traits, point de hachures, et seulement des teintes d’une extrême délicatesse, l’application du procédé dont il s’agit devient bien difficile et exposerait souvent à gâter tout l’ouvrage. Je profiterai aussi de l’utile avis que te suggère ton tendre attachement pour moi ; et passé cette lettre où je m’explique peut être encore plus qu’il ne conviendrait, quoique je défie malgré cela de deviner mon secret, je serai à l’avenir plus réservé ; car on est aujourd’hui si avide de découvertes, qu’on ne saurait, comme tu le dis, mon cher ami, prendre trop de précautions) (…) j’ai même pu, ainsi que j’ai déjà eu le plaisir de te le dire, me procurer quelques épreuves qui, bien que défectueuses du côté de l’impression, l’emportent de beaucoup quant à la force du ton sur tout ce que j’avais fait jusqu’ici ; de sorte qu’il me reste maintenant, mon cher Ami, autant que je puis le croire, peu de choses à faire pour arriver enfin à un résultat décisif. Je dois à celui que m’ont fourni mes recherches sur l’optique, un avantage marqué pour la copie des points de vue. J’en ai gravé deux faiblement il est vrai, mais d’une maniere assez sensible pour juger quel serait l’éffet si le métal était creusé assez profondément ; mais ce genre de gravure imitant l’acqua tinta dont j’ignore les procédés présente des difficultés et exigera de ma part bien des tâtonnemens à moins que je ne me procure un ouvrage sur cette matière. Tel est en peu de mots, mon cher ami, le résumé de mon travail encore bien moins avancé que je ne le désirais, et bien au dessous à coup sûr des éloges que tu as la bonté de m’adresser et que je suis si loin de mériter.

 

 

1827


17 janvier 1827 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Il y a environ 18 mois, que Mr de Champmartin vous remit deux petites planches de cuivre, vernies et prêtes à recevoir l’action de l’eau-forte. Vous eûtes la complaisance d’en faire l’essai devant lui ; et je profite avec empressement de l’occasion qui se présente pour vous prier d’agréer à ce sujet mes tardifs et bien sincères remerciemens. Cet essai toute fois, malgré les précautions que vous voulutes bien prendre ne réussit point ; ce qu’il faut attribuer au vernis appliqué en couche trop mince ou à sa mauvaise qualité. Je ne vous entretiendrai pas, Monsieur, de la nature de mes recherches dont l’essai en question était un résultat fort imparfait : Mr de Champmartin, mon beaufrère, a dû vous en parler et vous en aurez appris d’avantage par Mr le comte de Mandelot qui a la bonté de s’intéresser d’une manière toute particulière au succès de ma découverte. Instruit de ses rapports avec vous, Monsieur, et sachant combien vous désirez lui être agréable, j’ose me prévaloir de sa recommandation pour réclamer un nouveau témoignage d’obligeance de votre part. Je serai bien aise de soumettre à votre examin quelques nouveaux essais gravés sur étain pur. Persuadé qu’il me serait difficile de trouver à la fois un juge plus impartial et plus éclairé, je ne craindrais pas de provoquer la critique la plus sévère, et je réclamerais également avec confiance, l’appui de vos sages conseils : ils me seraient aussi utiles, aussi nécessaires l’un que l’autre pour me guider dans un art où vous excellez, Monsieur ; et dont j’ignore bien d’avantage encore la pratique que la théorie. Veuillez me mander si vous consentez à l’envoi proposé ; d’après l’opinion extrêmement avantageuse que j’ai conçu de vous, Monsieur, j’ai tout lieu de l’espérer.

 

 

22 janvier 1827 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

Lorsque Monsieur le Cte de Mandelot me parla de votre admirable découverte, je le priai de ne pas m’épargner, si le peu d’espérience que j’ai acquise en gravure pouvait être utile. Je suis très fâché de n’avoir pas réussi dans les deux essais que Monsieur de Champmartin m’a fait soumettre à l’action de l’eau-forte, je crois que la cause peut en être attribuée à la faiblesse du vernis, ayant employé pour une planche de l’acide nitrique réduit à 15° et pour l’autre de l’acide acétique. Le vernis a été détruit plus promptement par l’acide acétique. J’ai vu avec plaisir que vous avez amélioré votre vernis par une petite planche gravée dont je fis faire quelques épreuves à Mr le Cte de Mandelot. Je serai peut être plus heureux une autre fois et puisque vous croyez que je peux vous être utile, je vous prie de ne pas vous gêner et de me faire les envois que vous désirerez ; je m’empresserai d’y répondre. Vous me parlez de plusieurs essais sur étain ; s’ils sont pour faire mordre, comme je n’ai jamais gravé à l’eau-forte sur étain je vous prie d’avoir la complaisance de m’envoyer une petite plaque du même métal, afin que je puisse avant d’employer l’eau-forte sur vos essais observer l’action qu’elle peut avoir sur ce métal avec celle qu’elle a sur le cuivre, pour connaître le degré auquel je pourrai l’employer. Je vous ferai part des observations que j’aurai faites.

 

 

31 janvier 1827 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Un rhume qui m’a duré près d’un mois, mais qui, grace à Dieu, commence à se passer, ne m’a pas permis de vous répondre plus tôt, cher Cousin, et de vous remercier du double envoi de l’ouvrage sur la gravure, ainsi que de la planche gravée que vous avez eu l’obligeante attention de me procurer. Le dommage causé par le frottement, est peu de chose : un défaut plus essentiel par rapport à moi, provient du peu de profondeur de l’empreinte dans la partie supérieure de la tête, partie où la planche n’étant presque qu’éffleurée par le mordant, ne pourrait m’offrir un terme de comparaison. Malgré cela, il est à regretter que mon Cousin de Chazan ait renoncé sitôt à un art où il se serait infailliblement distingué. Veuillez le mettre de moitié dans mes remerciemens réitérés, et lui faire agréer l’assurance de nos sentimens les plus affectueux. Je viens d’entrer en correspondance avec Mr Lemaître, un des premiers graveurs de Paris. C’est à Mr le Cte de Mandelot, qui le connaît particulierement, que je dois cette utile connaissance. Sur la réponse pleine d’obligeance et d’honnêteté que j’ai reçue récemment de cet artiste, je lui enverrai au premier jour quelques planches gravées sur étain, pour savoir l’opinion qu’il en portera ; car je l’ai prié de juger sévèrement ces essais dans un art qui m’est absolument étranger, afin de profiter, si je le puis, de ses lumieres et de ses sages conseils. Je profiterai en même tems de l’occasion, pour lui demander une planche de rebut ou une portion de planche gravée par lui à l’eau-forte, laquelle servira à me guider dans mon travail.

 

 

2 février 1827 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

D’après les offres on ne peut pas plus obligeantes que vous voulez bien me faire dans votre réponse du 22 Janvier, je m’emprèsse de vous adresser la quantité de cinq planches d’étain que j’ai fait enrégistrer et affranchir au bureau des diligeances et qui vous parviendront en même tems que ma lettre. La plus grande de ces cinq planches, est la copie d’une gravure représentant la Vierge, l’enfant Jésus, et St Joseph. Les 4 autres, plus petites, sont une double copie d’un portrait et d’un paysage. Ces planches, comme vous le verrez, Monsieur, ne sont pas sur vernis, mais gravées toutes faiblement, à l’acide acétique assez allongé de vinaigre de bois, surtout celles qui représentent le paysage. Je crois avoir moins mal réussi dans la copie du portrait. Je vous prie donc de les examiner, et de vouloir bien me dire franchement ce que vous en pensez... Je suis ici totalement dépourvu de ressource de ce côté-la, n’ayant même pu me procurer un mauvais morceau de planche gravée à l’eau-forte, pour me servir au moins de terme de comparaison ; ce qui à défaut de conseils et surtout de connaissances pratiques de ma part, m’eut été d’un grand secours, car j’agis en quelque sorte au hazard. Depuis les deux derniers mois de l’automne, j’ai suspendu mon travail que je ne pourrai reprendre qu’au retour de la belle saison. Je m’occuperai alors principalement, Monsieur, à graver des points de vues d’après nature à l’aide de la chambre noire perfectionnée : cette application de mes procédés, vous paraitra peut-être d’un plus grand intérèt. Ce qu’il y a de certain, c’est que des expériences de ce genre, faites précédemment, me font augurer un heureux résultat pour celles qui auront lieu par la suite. Votre obligeante intervention, Monsieur, ne pourra qu’y contribuer très puissamment ; et j’en éprouverai une double satisfaction, puisque cette circonstance me permettrait de vous offrir d’y concourir d’une manière encore plus efficace, en vous associant aux avantages qui pourront résulter de ma découverte ; la réputation méritée dont vous jouissez, Monsieur, m’est un sûr garant que ma confiance ne saurait être mieux placée qu’en vous sous tous les rapports. Recevez, je vous prie, les assurances de ma considération (…) P.S. Connaissez-vous, Monsieur, un des inventeurs du Diorama Mr Daguerre ? Voici pourquoi je vous fais cette question. Ce Monsieur, ayant été informé, je ne sais trop comment, de l’objet de mes recherches, m’écrivit l’an passé dans le courant de janvier, pour me faire savoir que depuis fort longtems, il s’occupait du même objet, et pour me demander si j’avais été plus heureux que lui, dans mes résultats. Cependant à l’en croire, il en avait déjà obtenu de très-étonnans ; et malgré cela, il me priait de lui dire d’abord, si je croyais la chose possible. Je ne vous dissimulerai pas, Monsieur, qu’une pareille incohérence d’idées eut lieu de me surprendre pour ne rien dire de plus. J’en fus d’autant plus discret et réservé dans mes expressions, et toutefois, je lui écrivis d’une manière assez honnête, assez obligeante, pour provoquer de sa part, une nouvelle réponse. Je ne la reçois qu’aujourd’hui, c’est à dire après un intervalle de plus d’un an ; et il me l’adresse uniquement pour savoir où j’en suis, et pour me prier de lui faire passer une épreuve, bien qu’il doute qu’il soit possible d’être entièrement satisfait des ombres par ce procédé de gravure ; cequi lui fait tester des recherches dans une autre application, tenant plus tôt à la perfection qu’a la multiplicité. Je vais le laisser dans la voie de la perfection, et par une réponse laconique, couper court à des relations dont la multiplicité, comme vous pouvez bien le penser, Monsieur, pourrait me devenir également désagréable et fatiguante. Veuillez me mander, si vous connaissez personnellement Mr Daguerre et quelle opinion vous avez de lui.

 

 

2 février 1827 – Nicéphore Niépce à Louis Jacques Mandé Daguerre (Musée de La Plata)

Depuis quatre mois je ne travaille plus ; la mauvaise saison s’y oppose absolument. J’ai perfectionné d’une maniere sensible, mes procédés pour la gravure sur métal ; mais les résultats que j’ai obtenus ne m’ayant point encore fourni d’épreuves assez correctes, je ne puis satisfaire le désir que vous me témoignez. Je dois sans doute, le regretter plus pour moi que pour vous, Monsieur, puisque le mode d’application auquel vous vous livrez, est tout différent, et vous promet un degré de supériorité que ne comporterait pas celui de la gravure ; ce qui ne m’empêche pas de vous souhaiter tout le succès que vous pouvez ambitionner.

 

 

3 février 1827 – Nicéphore Niépce à Vincent Chevalier (AAS)

Veuillez, Monsieur, me faire préparer pour être mis le plus tôt possible, à ma disposition, quatre objectifs de 3 pouces de diamètre, ayant 12 pouces, 18 pouces, 30 pouces, et 36 pouces de foyer, pour ma chambre obscure, et de la meilleure qualité. je vous prie également, de vouloir bien m’indiquer dans votre lettre d’envoi, quel serait le prix 4 verres lenticulaires de Mégascope, de 4 pouces de diamètre, et de 12 pouces, 24 pouces, 30 pouces et 36 pouces de foyer.

 

 

7 février 1827 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai reçu cinq planches gravées avant votre lettre (…) Vous me dites que ces planches sont gravées faiblement ; malheureusement elles sont gravées trop faiblement. La planche représentant la Ste famille est assez bien venue sous le rapport des contours et de la pureté des tailles ; mais on aurait de la peine à en obtenir une épreuve qui, je suis assuré, ne viendrait que par places ; les petits accidents et le sablé occasionnés par la fragilité du vernis viendraient plutôt que la gravure. Des deux paysages celui qui est gravé par accident a seulement un ciel qui offre une teinte, qui paraîtrait être le résultat de la gravure à l’aquatinta ; si elle n’était <pleine de taches et d’un> sablé inégal, les devants qui devraient être assez vigoureux ne donneraient aucun résultat à l’impression. L’autre est généralement gravé, mais bien faiblement, trop faiblement et trop également, la partie des devants sous la masse d’arbres, au lieu d’être la plus vigoureuse de la gravure, serait après le ciel la plus faible. Les deux portraits sont les meilleurs essais que vous ayez faits, mais que de travail vous avez encore à faire si vous voulez atteindre à la perfection ! Celui des deux portraits qui est le mieux gravé, c’est à dire le plus profondément, donnerait à l’impression l’épreuve d’une planche usée par un fort tirage. Toutes les tailles sont bien marquées, surtout celles des dernières teintes du camail et de la toque qui sont d’un résultat satisfaisant, mais celles des ombres sont tout à fait confondues, pas assez creuses et toutes arrondies ; vous avez dû vous en appercevoir surtout dans les teintes du fond où les tailles sont tout à fait arrondies ;elles devraient au contraire être de vive arrête, plus la gravure est de vive arrête, plus elle est belle et pure, et <elle> donne <alors> de bonnes épreuves. La tête est assez bien, mais pleine d’un petit sablé qui existe dans les parties claires de toutes vos planches. J’aurais désiré faire faire seulement une ou deux épreuves de quelques unes de vos planches afin d’être plus certain de la justesse de mon opinion, mais j’ai crain[t] de commettre une indiscrétion en le faisant sans y être autorisé par vous. (…) Je suis fâché, que vous n’ayez pas persisté à faire vos essais sur cuivre ; je crains que sur étain vous n’ayez toujours des tailles rondes, et quand même vous obtiendriez une belle gravure, elle s’arrondirait et s’userait facilement après un petit nombre d’épreuves ; ce métal est trop mou pour supporter longtems le frottement des serpillères, linges et de la main passée sur le blanc dont on se sert pour essuyer les planches. On ne se sert guère de planches d’étain que pour graver la musique et les dessins d’étoffes que l’on grave profondément et que l’on essuie très légèrement à l’impression. Je crains bien aussi que lorsque vous réussiriez à rendre fidèlement tous les traits d’une gravure, vous ne puissiez jamais arriver aux différentes teintes et aux finesses qui caractérisent après le dessin une bonne estampe ; car comment puis je croire qu’avec le secours d’un acide vous obteniez ce que nous avons de la peine à voir avec le secours d’un bon vernis, de différens acides, différentes morsures et du travail de plusieurs burins variés dans leur forme (sans le secours de l’eau-forte), joints à la force ou à la légéreté de la main selon que les teintes doivent être vigoureuses ou faibles. Je vous <prie> d’excuser cette observation, mais elle est faite par un graveur qui sent toute la difficulté qu’il éprouve en exécutant. Vous voyez que je ne vous ménage pas, je vous offre franchement les avis que vous me demandez ; d’ailleurs votre découverte a d’autres côtés assez beaux pour se passer de cet avantage, et l’on pourrait retoucher au burin les parties défectueuses, ce que l’on est obligé de faire à toutes les gravures à l’eau-forte. L’un de vos portraits s’il était gravé sur cuivre comme il l’est sur étain et qu’on le retouchât, pourrait faire une gravure passable, mais il y aurait beaucoup à travailler. J’attends beaucoup de vos essais d’après nature ; cette découverte m’a semblé extraordinaire et d’abord incompréhensible ; cependant j’ai la certitude que vous réussirez, en pensant à vos essais de gravure et alors à la possibilité de fixer les rayons de la chambre noire. Je souhaite de tout mon coeur que votre tentative soit couronnée d’un plein succès, car c’est une découverte qui doit être dans les arts d’une grande utilité et qui fera peut-être autant de sensation que la lithographie en a faite à son apparition ; cependant je crains que votre gravure n’atteigne pas à la perfection désirable ; je souhaite me tromper, je vous offre le secours de mon burin, s’il devenait nécessaire. Je vous remercie avec reconnaissance de la proposition que vous me faites de m’associer aux avantages qui pourraient résulter de votre découverte ; si je vous suis utile, je vous laisse la liberté d’agir comme vous voudrez. Vous me demandez si je connais Monsieur Daguerre ? (…) Je sais qu’il s’occupe depuis longtems du perfectionnement de la chambre noire, sans néanmoins avoir connu (que par vous et Mr le Cte de Mandelot à qui vous en avez parlé) le but de son travail. je vous approuve de rompre avec lui ; il faut quelque fois peu de chose pour mettre sur la trace d’une découverte de laquelle on ne se doutait pas.

 

 

16 février 1827 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Je suis bien aise, Monsieur, d’avoir provoqué toute la franchise et la sévérité de votre critique dans l’examin de mes faibles essais. Je vous en remercie sincèrement, et il ne me reste plus qu’à en profiter, si la tâche n’est pas au dessus de mes forces. Vous voyez que je ne me décourage point, mais que je ne me fais pas illusion. Je ne sens que trop effectivement, quelle serait la témérité de l’entreprise comparée à l’insuffisance de mes moyens. Si pour réussir il me fallait employer les ressources d’un art dont vous connaissez, Monsieur, toutes les finesses, et qui, malgré cela, vous présente tant de difficultés, toute mon ambition se bornerait donc à pouvoir constater par des résultats positifs la possibilité d’un succès satisfaisant dans les différentes applications de ma découverte. Les observations que vous m’adressez sont bien fondées et parfaitement justes. En effet, j’ai toujours remarqué moi-même, dans mes essais de gravure sur pierre, sur cuivre et sur étain, ce sablé et cette rondeur des tailles que vous signalez. Le sablé est bien certainement produit par la fragilité ou la perméabilité du vernis appliqué en couche trop mince ; mais, quand à ce qui concerne l’arrondissement et la confusion des tailles dans la partie des ombres, je ne puis, Monsieur, en expliquer la cause qu’en l’attribuant à la divergeance du rayon lumineux, et la résistance plus au moins grande qu’il s'éprouvent dans leur transmission ; inconvenient qui, autant que je puis croire, n’existerait plus s’il m’était possible de remplacer par l’emploi du Mégascope les procédés dont je me sers pour la copie des gravures. Vous allez sans doute m’objecter qu’en admettant les suppositions les plus favorables vous ne concevez pas comment je pourrai me passer des secours de l’art. Làdessus, Monsieur, je vous prierais de considérer que dans ce cas, le résultat de l’opération principale, serait tel, qu’alors l’office de la main se réduirait à verser l’acide sur la planche qui se trouverait attaquée et creusée dans le rapport de la dégradation des teintes : car s’il en était autrement, je devrais à plus forte raison désespérer de fixer l’image des objets représentés dans la chambre noire ; cette image qu’on peut regarder comme le beau idéal du lavis, étant toute composée de nuance extrèmement délicates ; cependant mon procédé est susceptible de les retenir et de les exprimer avec une grande fidélité. Je ne prétends pas dire par là qu’il soit de même possible d’obtenir ce résultat sur métal, à l’aide des acides, car le genre de l’aquatinta dont je n’ai d’ailleurs qu’une idée très superficielle, me semble présenter de grandes difficultés ; mais s’il fallait renoncer à l’avantage de multiplier les épreuves par le moyen de la gravure, on aurait du moins celui de se procurer une copie exacte et inaltérable de la nature par ce même procédé. Vous êtes fâché, Monsieur, que je n’aie pas persisté à faire mes essais sur cuivre. A dire vrai, je n’y ai point renoncé ; et si depuis je me suis servi de planches d’étain, c’est parce que je les avais fait venir pour ma chambre noire ; ce métal à cause de sa blancheure, me paraissait mériter préalablement la préférence. Je suis aussi flatté que reconnaissant de l’offre que vous voulez bien me faire de votre Burin ; mais je n’oserai le réclamer que dans le cas ou j’obtiendrais par la suite des résultats plus dignes de votre suffrage. La crainte de vous paraître indiscret m’avait empeché de vous prier, Monsieur, de faire tirer une ou deux épreuves de celles de mes planches qui en sont susceptibles. Vous m’obligeriez donc si vous aviez la complaisance, en me renvoyant les planches, d’y joindre quelques épreuves.

 

 

19 février 1827 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

Je vous envoie par la diligence les quatre objectifs que vous me faites l’honneur de me demander, facture est jointe à l’envoi. Les verres de Megascope de 4 pouces de diamètre de 12 à 36 pouces de foyer, biens finis, sont du prix de 10 francs.

 

 

1er mars 1827 – Nicéphore Niépce à Vincent Chevalier (AAS)

Conformement à votre lettre d’avis du 19 février, j’ai reçu la Boîte contenant les quatre objectifs avec la facture montant à 32 francs (…) je ne puis dans ce moment, vous commissionner les verres de Mégascope : il me faut connaître préalablement le résultat de ma prochaine expérience avec les objectifs appliqués à ma chambre noire.

 

 

5 mars 1827 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

Vous recevrez presqu’en même temps que cette lettre par les messageries Royales, vos cinq planches gravées avec cinq épreuves qui ont été faites devant moi avec beaucoup de soin ; la planche de la Ste famille a donné à l’épreuve un peu plus que je ne m’attendais, la comparaison de ces épreuves avec les originaux vaudra peut-être mieux pour vous que tout ceque je vous en ai dit. Les contours et tous les détails, même les travaux fins, sont reproduits avec exactitude par votre gravure, mais ce qui lui manque encore, c’est de l’effet et la véritable valeur de chaque teinte.

 

 

17 mars 1827 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Conformément à votre lettre d’avis du 5 de ce mois, j’ai reçu mes cinq planches gravées avec (…) les (…) épreuves qui les accompagnaient (…) Quoiqu’il y ait une grande différence entre mes épreuves et les originaux, il y en a beaucoup moins qu’entre ces mêmes épreuves et celles que j’avais fait tirer à Dijon ; cequi me met du moins à portée d’établir une comparaison, et de prévenir par la suite, autant qu’il sera en mon pouvoir, les incorrections et les nombreuses défectuosités de mon travail ; toute mon ambition de ce côté là, se bornant à constater par des faits positifs, que l’application de mes procédés pour la gravure, confiée à des mains habiles, aurait les résultats les plus avantageux et les plus satisfaisans (…) Vous m’accordez un intérèt trop bienveillant pour que je doive craindre, Monsieur, d’en réclamer un nouveau témoignage, persuadé que vous ne me le refuserez pas. Nous n’avons point ici de marchands de gravures, de sorte qu’il m’est impossible de m’en procurer. Comme celles dont je me sers sont plus ou moins détériorées par mes procédés, je ne veux y mettre qu’un prix très modique qui ne dépasserait pas deux francs par gravure, l’une portant l’autre, et j’en aurais assez de 6 ou 8 tout au plus, tant de paysages que figures et intérieurs, parmi lesquelles quelques unes à l’aqua-tinta, en vous priant, Monsieur, d’observer que le papier de ces gravures, doit être d’un grain fin, et avoir surtout peu d’épaisseur afin d’être rendu transparent à l’aide du vernis (…) Ces gravures ne doivent pas dépasser la grandeur de mes petites planches d’étain et de la plus grande ; mes planches de cuivre ayant à peu près les mêmes dimensions.

 

 

28 mars 1827 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

Vous recevrez presque aussitôt que ma lettre, huit gravures, quatre eau-fortes et burin et quatre aquatinta et manière noire. Comme il existe peu de petites gravures de ce dernier genre, je n’ai presque pas eu à choisir. J’ai été plus heureux pour les gravures au burin qui sont fort belles et d’un prix très modique. En raison de leur beauté, ces 8 gravures coutent 13f. Vous trouverez le prix de chacune coté au bas de leur marge. Ces gravures sont variées autant que possible pour leur format. Le papier est fin et je désire qu’il soit assez mince pour votre opération. J’ai choisi parmi les épreuves celles qui se trouvaient sur le papier le moins épais ; car on imprime maintenant presque toutes les estampes sur du papier très fort ; néanmoins je crois qu’il peut être rendu très transparent. L’amour, Dosenne (2) ; Le commissionnaire tenté (2) ; le christ (1.50) ; Didon (1.50) ; intérieur aquatinta (2) ; le joueur (2) ; Paysage (1) ; Portrait (1) = (13).

 

 

3 avril 1827 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Je n’ai reçu qu’hier les 8 gravures que vous avez eu la complaisance de me procurer et dont votre lettre du 28 Mars m’annonçait l’envoi (…) Je suis parfaitement satisfait des gravures ainsi que de la modicité de leur prix. Je ne pouvais mieux m’adresser qu’à vous, Monsieur, sous tous les rapports pour cette petite emplette (…) J’avais oublié de vous dire dans ma dernière lettre qu’au moment même où je croyais ne plus avoir à l’avenir de relations avec Mr Daguerre, il m’a écrit et et m’a envoyé un petit dessin très élégamment encadré, fait à la seppia et terminé à l’aide de son procédé. Ce dessin, qui représente un intérieur, produit beaucoup d’effet ; mais il est difficile de déterminer ce qui est uniquement le résultat de l’application du procédé, puisque le pinceau y est intervenu. Peut-être, Monsieur, connaîtriez vous déjà cette sorte de dessin que l’auteur apelle dessin-fumée, et qui se vend chez Alphe Giroux. Quelle qu’ait pu être l’intention de Mr Daguerre, comme une prévenance en vaut une autre, je lui ferai passer une planche d’étain légèrement gravée d’après mes procédés, en choisissant pour sujet, une des gravures que vous m’avez envoyées ; cette communication ne pouvant en aucune manière compromettre le secret de ma découverte.

 

 

24 mai 1827 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

La campagne est fort belle, mais le tems peu favorable pour la copie des points de vue d’après mes procédés héliographiques. j’en suis donc à épier le bon moment ; car mon appareil est prêt à fonctionner (…) ma femme est toujours plus ou moins souffrante. l’usage habituel d’un aliment aussi léger que le lait de l’espérance, débilite les forces. je suis comme Colomb lorsqu’il pressentait la découverte tardive, mais certaine d’un nouveau monde... nous avançons la sonde à la main, sur notre nacelle aventureuse ; et bientôt l’équipage s’écriera avec transport… terre ! terre !

 

 

4 juin 1827 – Nicéphore Niépce à Louis Jacques Mandé Daguerre (Musée de La Plata)

Vous recevrez presque en même temps que ma lettre, une caisse contenant une planche d’étain, gravée d’après mes procédés héliographiques, et une épreuve de cette même planche, trèsdéfectueuse et beaucoup trop faible. Vous jugerez par là, que j’ai besoin de toute votre indulgence, et que si je me suis enfin décidé à vous adresser cet envoi, c’est uniquement pour répondre au désir que vous avez bien voulu me témoigner. Je crois malgré cela, que ce genre d’application n’est point à dédaigner, puisque j’ai pu, quoique étranger à l’art du dessin et de la gravure, obtenir un semblable résultat. Je vous prie, Monsieur, de me dire ce que vous en pensez. Ce résultat n’est même point récent, il date du printemps dernier : depuis lors, j’ai été détourné de mes recherches par d’autres occupations. Je vais les reprendre aujourd’hui que la campagne est dans tout l’éclat de sa parure ; et me livrer exclusivement à la copie des points de vue d’après nature. C’est sans doute ce que cet objet peut offrir de plus intéressant ; mais je ne me dissimule point non plus les difficultés qu’il présente quant au travail de la gravure. L’entreprise est donc bien au dessus de mes forces ; aussi toute mon ambition se bornerait-elle à pouvoir demontrer par des résultats plus ou moins satisfaisans, la possibilité d’une réussite complette, si une main habile et exercée aux procédés de l’aqua-tinta, coopérait par la suite à ce travail. Vous me demanderez probablement, Monsieur, pourquoi je grave sur étain au lieu de graver sur cuivre. Je me suis bien servi également de ce dernier métal ; mais pour mes premiers essais, j’ai dû préférer l’étain, dont je m’étais d’ailleurs procuré quelques planches destinées à mes expériences dans la chambre noire ; la blancheur éclatante de ce métal le rendant bien plus propre à réfléchir l’image des objets représentés. Je pense, Monsieur, que vous aurez donné suite à vos premiers essais : vous étiez en trop beau chemin pour en rester-là. Nous occupant du même objet, nous devons trouver un égal intérèt dans la réciprocité de nos efforts pour atteindre ce but. J’apprendrai donc avec bien de la satisfaction, que les nouvelles expériences que vous avez pu faire à l’aide de votre chambre obscure perfectionnée, ont eu un succès conforme à votre attente. Dans ce cas, Monsieur, et s’il n’y a pas d’indiscrétion de ma part, je serais aussi désireux d’en connaitre le résultat, que je serais flatté de pouvoir vous offrir celui des recherches du même genre qui vont m’occuper.

 

 

27 juin 1827 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

J’ai fait un point de vue qui a très bien réussi, sauf un peu de vague que je vais faire en sorte d’éviter ; mais ce genre de représentation a quelque chose de magique : on voit réellement que c’est la nature.

 

 

18 juillet 1827 – Nicéphore Niépce à Claude Niépce (ASR)

Tu jugeras que je ne dois guère être en train de travailler ; j’ai pourtant fait un second point de vue d’après nature, qui a réussi comme le premier, et dans ce moment même je m’occupe d’un troisième qui, je pense, n’ira pas moins bien. Mon procédé est excellent, mais les objets ne sont pas rendus dans ma chambre obscure avec une égale netteté. C’est un défaut qui lui est commun avec les machines de ce genre. Je m’occupe à cet effet d’un perfectionnement fort-important si j’ai le bonheur de réussir. Je regrette bien, mon cher ami, d’être aussi laconique sur un sujet auquel tu as la bonté de prendre un intérèt si vif et si tend[re] et sur lequel j’aurais tant de choses à te dire ; mais je suis encore, à mon grand regret, forc[é de] différer momentanément cette agréable communication.

 

 

24 juillet 1827 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Depuis la dernière lettre que vous avez reçue de moi, je ne me suis plus occupé de gravure. L’usage que j’ai fait de votre planche, s’est borné uniquement de ma part, à bien l’examiner pour mettre à profit mes observations lorsque je reviendrai sur ce mode plus dificile et moins important de l’application de mes procédés. Ainsi que je vous l’ai mandé dans le temps, Monsieur, j’ai envoyé à Monsieur Daguerre un de mes essais de gravure ; et j’ai choisi la Ste Famille. Sa critique a été impartiale, à ce que je crois, mais sévère ; elle m’a rappelé ce que vous m’aviez fait l’honneur de me dire à ce sujet ; ce qui n’a pas peu contribué à ralentir mon zèle. Je me suis donc livré à une autre application qui n’exigeât pas l’emploi des acides. J’ai d’abord copié assez heureusement, quelquesunes des gravures que vous avez bien voulu me procurer, et j’en suis maintenant à la copie de points de vues d’après nature, à l’aide de la chambre noire. Je suis entièrement satisfait de mon procédé héliographique ; mais je ne puis pas en dire autant de l’instrument que j’emploie qui, de même que ceux du même genre, a de très grandes imperfections. Il n’y a en effet, Monsieur, de bien éclairée et de bien nette que la partie de l’image, qui se trouve juste au foyer de l’objectif ; tout le reste est plus ou moins vague et confus ; aussi dans ce moment, suis-je uniquement occupé des moyens de remédier à ces graves imperfections. Mais c’est déjà quelque chose d’assez remarquable que d’être parvenu malgré tant d’obstacles, à recueillir l’image des objets représentés dans la chambre noire. Si mes recherches actuelles ne sont point infructueuses, je serais d’autant plus près du but ; et je m’empresserai, n’en doutez pas, Monsieur, de vous faire part des nouveaux résultats que j’aurai obtenus.

 

 

29 juillet 1827 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

Je vous reitère l’offre de mes services. Si je peux vous être utile et si vous êtes assez heureux pour améliorer votre procéde Héliographique auquel je prends le plus vif intérèt et son application à la gravure ; je vous prie d’avoir la complaisance de m’en faire connaître les résultats.

 

 

2 et 4 septembre 1827 – Nicéphore Niépce à Isidore Niépce (MNN)

ces contrariétés ne nous disposent guère bien à jouir des agrémens de la Capitale ; aussi n’avonsnous encore vu que quelques uns de ses principaux édifices, et parmi ses nombreuses curiosités, que le jardin des plantes et l’exposition au Louvre des produits de l’industrie ; choses très-remarquables, il est vrai, mais dont nous n’avons pu juger que d’une Maniere fort superficielle, parcequ’il y avait foule, et qu’il était impossible de rien observer attentivement. quant aux spectacles, nous n’avons mis le pié dans aucun, sauf le Diorama. (…) Mr lemaître, qui m’a parfaitement accueilli, et chez le quel je suis allé deux fois, m’a montré la grande planche en cuivre dont il m’a promis une épreuve. cette planche, parfaitement et très profondément gravée, est à peu près terminée ; car il en a tiré deux épreuves provisoires, et il ne s’occupe plus que de quelques légères corrections. il parait mettre beaucoup de soin à cette gravure qui est de grande dimension, et ne peut manquer d’ajouter à la réputation dont il jouit comme artiste. ensuite, il a eu la complaisance de déployer devant nous son porte-feuille. j’y ai vu de fort belles choses ; mais n’étant point connaisseur, je ne puis émettre à cet égard une opinion motivée. ceque je <désirais> voir de mes propres yeux, et savoir d’une manière plus positive, c’est principalement la nécessité indispensable du Burin indépendamment de l’action des acides, pour obtenir une épreuve vigoureuse. ainsi d’après l’avis de Mr Lemaitre, je ne pourrais sans cela, me flatter d’un résultat satisfaisant ; mais ceci ne prouve rien contre la bonté de mon procédé qui lui parait toujours plus extraordinaire. il m’engage donc fortement à poursuivre mes essais sur la gravure, surtout quant à leur application aux points de vue ; et même il m’a prié, en cas de réussite, de vouloir bien lui faire part de mes résultats ultérieurs. j’ai eu de plus fréquentes et de bien plus longues entrevues avec Mr Daguerre. il est venu nous voir hier : la séance a été de trois heures. nous devons retourner chez lui avant notre départ, et je ne sais trop le tems que nous y resterons ; car ce sera pour la derniere fois, et la conversation, sur le chapitre qui nous intéresse, est vraiment intarissable. je ne puis, Mon cher Isidore, que te répéter ceque j’ai dit à Mr de Champmartin. je n’ai rien vu ici, qui m’ait plus frappé, qui m’ait fait plus de plaisir que le Diorama. nous y avons été conduits par Mr Daguerre, et nous avons pu contempler tout à notre aise, les magnifiques tableaux qui y sont exposés. la vue intérieure de St pierre de Rome, par Mr Bouton, est bien à coup sûr, quelque chose d’admirable et qui produit l’illusion la plus complette ; mais rien n’est au dessus de deux vues peintes par Mr Daguerre : l’une d’Édimbourg, prise au clair de Lune, au moment d’un incendie ; l’autre d’un village Suisse, prise à l’entrée d’une grande rue, et en face d’une montagne d’une hauteur prodigieuse, couverte de neiges éternelles. ces représentations sont d’une telle vérité, même dans les plus petits détails, qu’on croit voir la Nature agreste et sauvage avec tout le prestige que lui prêtent le charme des couleurs et la magie du clair obscur. le prestige est même si grand qu’on serait tenté de sortir de sa loge pour parcourir la plaine et gravir jusqu’au sommet de la montagne. il n’y a pas, je te l’assure, la moindre exagération de ma part, les objets étant d’ailleurs, ou paraissant de grandeur naturelle. ils sont peints sur toile ou taffetas enduits d’un vernis qui a l’inconvénient de poisser ; cequi nécessite des précautions lorsqu’il s’agit de rouler cette sorte de décoration pour la transporter ; car il est difficile en la déroulant, de ne pas faire quelque déchirure. mais revenons à Mr Daguerre. je te dirai, Mon cher Isidore, qu’il persiste à croire que je suis plus avancé que lui dans les recherches qui nous occupent. ce qui est bien démontré maintenant, c’est que son procédé et le mien sont tout-à-fait différens. le sien a quelque chose de merveilleux, et dans ses éffets, une promptitude qu’on peut comparer à celle du fluide électrique. Mr Daguerre est parvenu à fixer sur sa substance chimique, quelques uns des rayons colorés du prisme. il en a déjà réuni quatre, et il travaille à réunir les trois autres afin d’avoir les 7 couleurs primitives. mais les difficultés qu’il rencontre, croissent dans le rapport des modifications que cette même substance doit subir pour pouvoir retenir plusieurs couleurs à la fois. cequi le contrarie le plus surtout, et le déroute entierement, c’est qu’il résulte de ces combinaisons diverses des effets tout opposés. ainsi, un verre bleu, qui projette sur la dite substance une ombre plus foncée, produit une teinte plus claire que la partie soumise à l’impression directe de la lumiere. d’un autre côté cette fixation des couleurs élémentaires, se réduit à des nuances fugitives si faibles qu’on ne les apperçoit point en plein jour ; elles ne sont visibles que dans l’obscurité, et voici pourquoi. la substance en question est de la nature de la pierre de Bologne et du pyrophore. elle est très-avide de Lumiere, mais elle ne peut la retenir longtems, parceque l’action un peu prolongée de ce fluide, finit par la décomposer ; aussi Mr Daguerre ne prétend point fixer par ce procédé, l’image colorée des objets, quant bien même il parviendrait à surmonter tous les obstacles qu’il rencontre : il ne pourrait employer ce moyen que comme intermédiaire. d’après cequ’il m’a dit, il aurait peu d’espoir de réussir, et ses recherches ne seraient guere autre chose qu’un objet de pure curiosité. mon procédé lui parait donc préférable et beaucoup plus satisfaisant à raison des résultats que j’ai obtenus. il sent combien il serait intéressant pour lui de se procurer des points de vue à l’aide d’un procédé également simple, facile et expéditif. il désirerait que je fisse quelques expériences avec des verres colorés, afin de savoir si l’impression produite sur ma substance, serait la même que sur la sienne : je viens d’en commander cinq à chevalier (vincent) qui en a déjà fait pour Mr Daguerre. celui-ci insiste principalement sur la plus grande célérité dans la fixation des images ; condition bien essentielle en éffet, et qui doit être le premier objet de mes recherches. quant au mode d’application à la gravure sur métal, il est loin de le déprétier ; mais, comme il serait indispensable de retoucher et de creuser avec le Burin, il croit que cette application ne réussirait que très imparfaitement pour les points de vue. cequi lui semble bien préférable, <pour> ce genre de gravure, c’est le verre en employant l’acide fluorique. il est persuadé que l’encre d’impression appliquée avec soin à la surface corodée par l’acide, produirait sur un papier blanc l’effet d’une bonne épreuve, et aurait de plus, quelque chose d’original qui plairait encore d’avantage. le composé chimique de Mr Daguerre, est une poudre trèsfine qui n’adhère point au corps sur lequel on la projette ; cequi nécessite un plan horizontal. cette poudre, au moindre contact de la lumiere, devient si lumineuse que la chambre noire en est parfaitement éclairée. ce procédé a la plus grande analogie, autant que je puis me le rapeller, avec le Sulfate de Baryte ou la pierre de Bologne, qui jouit également de la propriété de retenir certains rayons du prisme.

 

 

16 octobre 1827 – Nicéphore Niépce à William Townsend Aiton (ASR)

La découverte qui m’occupe, et dont j’ai eu l’honneur de vous faire part, consiste à fixer l’image des objets, par l’influence chimique de la lumiere ; à fixer cette image d’une maniere exacte, sauf la diversité de ses couleurs, et à la transmettre, à l’aide de l’impression, par les procédés connus de la gravure. Sous ce double rapport, cette Découverte se rattache à l’art du dessin et peut lui fournir d’utiles applications. Des résultats plus ou moins sitisfaisans (sic) constatent le fait de son existence ; ils sont d’un favorable augure pour les perfectionnemens ultérieurs dont elle est susceptible. Combien j’aurais à me féliciter, si grâce à votre obligeante intervention, Monsieur, il m’était permis de savoir par quel moyen je pourrais faire parvenir sûrement aux pié du trône mes timides essais et l’hommage spontané de ma Découverte ! C’est une faveur que j’ose implorer en me plaçant, comme étranger, sous l’égide d’un prince magnanime, aussi propice aux voeux de l’industrie qu’il le fut toujours à ceux du Malheur. J’aime à me persuader, Monsieur, d’après les témoignages d’intérèt que vous avez daigné m’accorder, que vous voudrez bien faire de cette lettre, l’usage le plus propre à assurer le succès de la démarche qui en est l’objet.

 

 

31 octobre 1827 – Nicéphore Niépce à William Townsend Aiton (ASR)

Comme il serait possible que je n’eusse pas l’honneur d’être admis aux piés de sa Majesté, pour y déposer l’humble hommage de mes recherches Héliographiques ; et que par suite, je me trouverais hors d’état de répondre verbalement aux questions qui pourraient m’être faites ; permettez-moi de vous soumettre quelques observations à ce sujet. Je ne me dissimule point les objections que provoquera l’examen critique de mon travail ; aussi commencerai-je par réclamer toute l’indulgence qu’il mérite, en priant de considérer que ma découverte ne fait encore que de naître et que j’eusse obtenu, sans doute, de meilleurs résultats, si mon départ précipité pour l’Angleterre ne m’avait empêché de suivre l’objet de mes recherches. cette circonstance imprévue était fâcheuse pour moi sous bien des rapports ; mais elle m’offrait heureusement la consolante perspective de voir exaucer plus-tôt un voeu que j’avais formé dès le principe et dont vous avez bien voulu, Monsieur, être le premier dépositaire. Mes épreuves encadrées faites sur étain paraitront sans doute trop faibles de ton, ce qui provient de ce que les jours ne contrastent pas assez avec les ombres résultant de la réflexion du métal. On rémédierait à cette défectuosité en recevant l’image des objets sur de l’argent plaqué, bien poli. Il y aurait alors plus d’opposition entre le blanc et le noir ; et cette dernière couleur, rendue plus intense au moyen de quelque agent chimique, perdrait ce reflet Brillant qui contrarie la vision et produit même une sorte de disparate. Je présume que mes essais de gravure quant à la profondeur et à la pureté du trait laisseront aussi beaucoup à désirer. Toutefois on sera peut-être moins étonné que je n’aie pas mieux réussi de prime abord, vû l’insuffisance de mes ressources dans un art dont la théorie et la pratique me sont peu familieres. Il est certain qu’avec un bon vernis et un acide plus concentré, j’aurais pu donner plus de creux à mes gravures, sans craindre de nuire aux parties qui veulent être ménagées. Je dois faire remarquer ici que mon procédé peut s’appliquer sur cuivre comme sur étain ; et qu’il pourrait l’être avec encore plus d’avantage sur verre, en employant l’acide fluorique. Il suffirait de noircir légèrement la partie gravée, et la placer sur un papier blanc pour obtenir une épreuve vigoureuse. Mr Daguerre, peintre, administrateur du Diorama à Paris, m’a conseillé de ne pas négliger ce mode particulier d’application, qu’il regarde comme éminemment propre à rendre toutes les finesses de la Nature. Telles sont, dans l’état actuel de ma Découverte, les améliorations dont elle me paraît susceptible. Les plus importantes tiennent surtout à l’efficacité des moyens que fournit l’optique à l’aide du Mégascope et de la chambre noire ; mais ces divers perfectionnemens m’eussent entrainé dans des dépenses que ni le tems ni ma position ne me permettaient de sacrifier prématurément. Si vous croyez, Monsieur, que ces détails puissent présenter quelque intérèt ou m’être de quelque utilité, veuillez, je vous prie, en donner communication.

 

 

5 novembre 1827 – Nicéphore Niépce à Isidore Niépce (document original perdu)

Je t'ai marqué dans ma dernière lettre, que j'avais écrit le 16 octobre, à M. le directeur des parcs et jardins royaux. J'attendis sa réponse pendant six jours ; et voyant qu'elle n'arrivait pas, je lui écrivis le 22, pour savoir s'il n'avait rien de nouveau à m'apprendre. Il me fit dire qu'il avait communiqué ma lettre à M. le marquis de Connyngham, qui lui avait répondu qu'ayant été surchargé d'affaires, il n'avait pu s'occuper de ma demande ; mais qu'il s'en occuperait certainement dans deux ou trois jours. Nous prîmes donc encore patience. Il me vint alors dans l'idée qu'il serait possible que je ne fusse pas admis à présenter moi-même mes essais, et qu'à cet effet on employât un intermédiaire ; ce qui me mettrait alors, dans l'impossibilité de répondre verbalement aux objections qui me seraient faites, et d'indiquer les différents perfectionnements dont ma découverte naissante est susceptible. Je rédigeai en conséquence, une note qui répondait à tout, en peu de mots, et que je crus propre surtout, à prêter un degré de plus à l'objet de ma demande. Je la tins prête, et nous restâmes encore sept ou huit jours dans l'attente. Enfin, mardi passé, M. Aiton, le directeur, me fit annoncer qu'il viendrait voir mes essais. Ils avaient déjà fixé l'attention et excité la surprise de deux personnes qui venaient de les examiner ; ils ne produisirent pas moins d'impression sur M. Aiton. Il nous dit que la marche que nous avions suivie, n'était pas régulière ; que mes épreuves avant d'être présentées à Sa Majesté, auraient dû être soumises préalablement à l'Académie royale de peinture ; mais que si je voulais les lui confier, il les remettrait à M. le marquis de Connyngham, d'après lequel il me faisait cette proposition. Je lui répondis que j'y consentais avec le plus grand plaisir. Alors il me demanda si on pourrait les garder deux ou trois jours seulement : je lui dis que ce serait aussi longtemps qu'on le désirait ; il me serra la main affectueusement, et se retira. Nous fîmes de suite un paquet des cadres et des planches gravées, que j'adressai avec ma note, sous forme de lettre, à M. Aiton ; et le tout est parti mercredi pour Windsor. Nous n'avons point encore de réponse, mais nous ne pouvons qu'augurer favorablement de ce silence. Tu vois que j'ai été bien inspiré en m'occupant de la note en question. Je viens d'en préparer une autre, qui, je l'espère, ne sera pas d'un moindre intérêt pour nous, si ma demande est bien accueillie ; dans ce cas nous n'attendrons pas ta réponse pour t'annoncer cette bonne nouvelle.

 

 

19 novembre 1827 – Nicéphore Niépce à Francis Bauer (ASR)

Lorsque j’ai quitté la France pour me rendre ici, je m’occupais des recherches sur la manière de fixer l’image des objets par l’action de la lumière. J’avais obtenu quelques résultats que je me suis empressé de faire venir. Je désirerais qu’il pût vous être agréable de les voir : votre suffrage, Monsieur, si toute fois j’en étais digne, me flatterait infiniment, et je me féliciterais d’avoir fait naître une circonstance qui devait me procurer l’honneur de vous connaître.

 

 

21 novembre 1827 – Nicéphore Niépce à Isidore Niépce (ASR)

Tu sais où en était la démarche dont je m’occupe. Mes essais qui se trouvaient à Windsor depuis quelques jours, y sont restés jusqu’à dimanche passé. J’ignore si le Roi les a vu, il ne m’a pas été possible de m’en assurer. Tout ce que j’ai appris, c’est qu’ils avaient été déposés dans les bureaux du chambelland, chargé de toutes les demandes relatives aux objets d’art, que ce Lord qui est membre de la Société royale, aurait bien voulu pouvoir présenter lui-même ma découverte, mais que ses fonctions ne lui permettaient pas de s’éloigner de sa Majesté. Mes essais m’ont donc été renvoyés attendu qu’il fallait préalablement qu’ils fussent mis sous les yeux de la dite Société. Dans l’intervalle j’avais adressé à Mr Aiton la nouvelle note dont je t’ai parlé et il me fit dire dimanche soir que je n’avais rien de mieux à faire que d’écrire à Mr Bouer (sic), académicien, qui se trouvait à Kew, même dans notre voisinage. Je ne perdis pas de temps et dès que le lendemain matin j’écrivis à ce Monsieur une lettre fort honnête, pour l’engager à venir voir mes dessins et gravures. Nous avons eu sa visite hier, et nous en avons été parfaitement satisfaits. Mr Bouer n’est pas Anglais, mais Allemand, c’est un homme d’un certain âge, et un naturaliste distingué. Ma découverte lui a paru quelque chose de très extraordinaire et du plus grand intérèt. Il nous a dit que quoiqu’il <ne> quittât pas la campagne il ferait tout ce qui dependrait de lui pour nous être utile ; qu’il était lié d’amitié avec le vice-président de la Société royale, et qu’il voulait nous l’amener pour qu’il pût juger lui même de mes essais ; qu’il m’engageait à rédiger une petite notice sur ce sujet et qu’il se chargerait de la lui présenter ; que la recommandation d’une personne aussi influente que le vice-président, était ce que nous pouvions désirer de plus heureux pour le succès de ma démarche etc. etc. Il nous a bien engagés à l’aller voir en nous disant qu’il avait un cabinet d’histoire naturelle, qu’il serait fort aise de nous montrer. J’avais eu la bonne idée de rédiger la petite notice en question : elle <est> toute prête et je n’ai plus qu’à la copier. Ainsi nous irons chez Mr Bouer demain ou après demain. Je regarde maintenant comme certaine la réussite de ma démarche actuelle, et par suite de celle relative à la présentation de ma découverte à sa Majesté Britannique.

 

 

22 novembre 1827 – Nicéphore Niépce à Francis Bauer (ASR)

J’ai l’honneur de vous adresser ma petite Notice sur les recherches qui m’occupent. Elle n’aura pas l’inconvénient de fatiguer par sa longueur ; mais je ne sais si elle remplira bien son objet. Il m’eût été pourtant difficile de m’expliquer d’une manière satisfaisante sur certains détails, sans compromettre mon secrèt : j’ai donc dû me borner à quelques considérations relatives aux perfectionnemens que réclament mes timides essais aux yeux de la critique même la plus indulgente. Si cependant, Monsieur, vous en jugiez autrement, j’ose compter assez sur votre bienveillant intérèt, pour vous prier de me faire connaître votre opinion à cet égard, et je m’y conformerai. Je désire vivement que ma découverte mérite de fixer l’attention de la Société royale, et que dans ce cas sa décision ne me soit pas défavorable, parce qu’alors je n’éprouverais probablement plus de difficulté pour faire parvenir mon hommage au pié du trône. C’est sous ce double rapport, Monsieur, que la recommandation et l’appui d’une personne aussi influente que Mr le Vice-président de la Société me seraient infiniment utiles.

 

 

30 novembre 1827 – Nicéphore Niépce à Francis Bauer (ASR)

Je m’empresse de vous faire passer plus tôt que plus tard mes essais de Dessin et de gravure d’après mes procédés héliographiques. Veuillez avoir la complaisance de me faire prévenir de l’arrivée de Mr votre collègue : je serais on ne peut plus flatté de le voir et de m’entretenir quelques instans avec lui. Mon intention, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire hier relativement à la présentation de mes essais, est simplement d’obtenir de la Société royale un avis qui ne soit pas défavorable au résultat de ma démarche subséquente. Je pense, Monsieur, que cette démarche, c’est-à-dire, l’hommage de ma Découverte à Sa Majesté Britannique, ne m’empêcherait pas de m’adresser ensuite à la Société des Arts : je le désirerais, puisque c’est là principalement où je pourrais trouver toutes les ressources qui me seraient nécessaires pour perfectionner et utiliser l’objet de mes recherches. Je suis en éffet bien décidé, dans ce cas, à leur donner suite ici plutôt qu’ailleurs. Pardonnez, je vous prie, mon importunité : elle a peut-être son excuse dans l’intérèt même que vous avez bien voulu m’accorder.

 

 

21 décembre 1827 – Joseph Constantine Carpue à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai passé hier chez Mr Watkins Opticien dont je vous envoie l’adresse pour lui parler de votre affaire ; il m’a chargé de vous dire qu’il sera très heureux d’entrer dans quelque arrangement avec vous, à l’égard de votre découverte, et dans le cas même où vous ne <pourrez pas vous accorder> avec lui, il vous donnera une introduction à quelque autre personne de sa connaissance. Je crois qu’un arrangement avec ce Monsieur vous sera beaucoup plus avantageux que la Société des Arts, mais cependant si après une entrevue avec lui vous désirez encore la lettre que vous m’avez demandée, vous n’avez qu’à me le faire savoir, et je m’empresserai de vous la faire parvenir.

 

 

28 décembre 1827 – Nicéphore Niépce à Francis Bauer (ASR)

En réfléchissant à l’obligeante attention que vous avez eue tout récemment, de faire donner communication de ma Notice à Mr le Docteur Wolaston et à un autre Savant distingué, j’éprouve un vif regrét de ne l’avoir pas sçu plus tôt ; mais les bonnes inspirations ne viennent jamais trop tard, lorsqu’il y a encore possibilité d’en profiter. Je désirerais donc savoir si par votre médiation, Monsieur, je pourrais espérer d’obtenir une lettre de recommandation qui me mît en rapport avec ces savans. Je verrais du moins dans le véritable intérèt qu’ils portent à la Science, le gage certain de celui qu’ils pourraient prendre à ma découverte ; et ce résultat seul serait déjà quelque chose de très-flatteur pour moi. Mais peut-être seraient-ils eux mêmes à portée de me procurer la connaissance de quelques unes de ces personnes vouées par goût au culte des arts, et plus dans le cas par leur grande fortune de les protéger utilement, que des artistes voués presque exclusivement à un autre culte. cette réflexion, Monsieur, me ramène à la démarche qu’on vient de me faire faire, et dont je ne puis que fort mal augurer. Aussi serais-je charmé que vous voulussiez bien consentir à celle que j’ai l’honneur de vous proposer. Je me féliciterais d’autant plus qu’elle réussît que je me plais à la regarder comme une heureuse inspiration du constant intérèt que vous avez daigné m’accorder jusqu’ici. Veuillez ne pas prendre la peine de m’écrire ; mais faite-moi dire seulement de passer chez vous, Monsieur, si vous le désirez, et je m’empresserai de m’y rendre. J’attends au premier jour une réponse décisive de Mr Watkins ; et en cas qu’elle ne soit pas satisfaisante, ainsi que j’ai lieu de le présumer, je m’occuperais de suite de la nouvelle démarche qui serait très probablement la derniere.

 

 

31 décembre 1827 – Marianne Watkins à Nicéphore Niépce (ASR)

Je suis fachée qu’il m’ait été impossible de vous écrire plutôt, mais mon maris est beaucoup engagé à ce tems-ci que je n’ai pas pu lui traduire votre notice sur l’héliographie avant hier. Il désire que je vous fasse ses remercimens pour l’honneur que vous lui avez fait en l’offrant de se mettre en rapport avec vous touchant votre découverte ; mais ayant bien considéré qu’elle ne serait pas fort avantageuse entre ses mains ni pour vous ni pour lui et que c’est plutôt l’affaire d’un graveur que d’un opticien, il me prie de vous dire qu’il ne peut accepter votre proposition.

 

 

1828


1er janvier 1828 – Nicéphore Niépce au Dr Thomas Young (ASR)

Je me propose d’avoir l’honneur de vous voir et de vous présenter une lettre de recommandation de Mr le Chevalier d’Home, que m’a procurée Mr Bauer que vous connaissez et qui m’honore d’une bienveillance toute particulière. Je suis l’auteur d’une découverte nouvelle, étroitement liée aux arts du dessin et de la gravure. Pour vous mettre à même d’en juger je m’empresse de vous adresser ma notice que vous trouverez ci-incluse, et j’aurai soin, à mon prochain retour à Londres, de vous donner communication des résultats que j’ai obtenus. C’est dans le sanctuaire même des sciences dont vous êtes, Monsieur, le si digne interprète que j’ose invoquer un témoignage de ce véritable intérèt qui ne peut guère exister ailleurs sans mélange. Aussi, d’après l’intention où je suis d’utiliser l’objet de mes recherches, dois-je autant éviter toute transaction purement mercantile, que <tâcher d’établir> des rapports principalement fondés sur l’amour passionné des arts et <la généreuse> indépendance que donne une grande fortune. Permettez-moi, Monsieur, de réclamer à ce sujet le secours de vos lumières et de m’appuyer, au besoin, de vos utiles conseils.

 

 

1er janvier 1828 – Dr Thomas Young à Nicéphore Niépce (ASR)

Je doute beaucoup qu’il me soit possible de vous etre utile dans l’exécution de votre ingénieuse idée de l’héliographie. Mais si vous vouliez me voir, vous me trouveriez chez moi presque tous les matins à 11 heures moins un quart – ou à N°7 Waterloo Place tous les jours à 2 heures.

 

 

Janvier 1828 – Dr Thomas Young à Everard Home (ASR)

Mr Nepce’s invention appears to me to be very neat and elegant and I have no knowledge of any similar method having been before employed. How far it may become practically useful hereafter, is impossible for me to judge, especially without knowing the whole of the secret. But I see no reason to doubt of its utility, except that all novelties are liable to unforeseen difficulties.

 

 

13 janvier 1828 – Nicéphore Niépce à Rodolphe Ackermann (ASR)

Dans le peu de tems que j’ai passé avec vous, j’ai cru m’apercevoir que vous êtes trop occupé pour vaquer à d’autres affaires que celles qui vous concernent personnellement. Ce motif me détermine donc à vous transmettre par écrit mes intentions relativement à la Découverte dont je vous ai fait part, et à laquelle vous voulez bien vous intéresser. Je suis décidé à ne point l’utiliser actuellement ; j’attendrai pour cela, qu’elle ait acquis le degré de perfection dont elle est susceptible, et je m’en occuperai dès que je serai de retour en France. Mais il m’importe de savoir préalablement, Monsieur, quels seraient, dans le cas d’une complette réussite, les arrangemens que l’on me proposerait, <quant à> l’exploitation de ma découverte, soit qu’il fût question de former une Société ou de traiter pour une somme déterminée. Je ne vous laisserai pas ignorer, que dans ce cas-là, je ne consentirais aux dits arrangemens, qu’autant qu’ils me seraient plus avantageux que ceux qu’on me proposerait dans mon propre pays : la raison est trop aisée à concevoir pour que j’aie besoin de l’expliquer. Vous sentirez de même que, pouvant prendre ailleurs des engagemens provisoires, il est essentiel que je sache d’avance, à quoi m’en tenir sur les propositions qui me seront faites par votre intermédiaire. Si elles sont de nature à me déterminer, je promets de ne traiter qu’avec la <ou les> personnes que vous m’aurez désignées, et dont votre choix, Monsieur, me garantirait la moralité. Il suffit de considérer les nombreuses applications de ma découverte aux arts du dessin et de la gravure, pour se convaincre qu’elle peut devenir l’objet d’une spéculation dont il est facile d’apprétier toute l’importance ; mais cette considération doit par là même entrer dans le calcul des avantages qu’il m’est permis d’espérer. Mes prétentions, comme vous le voyez, Monsieur, n’ont rien d’exagéré : je puis donc m’attendre à une réponse satisfaisante de votre part. En la supposant telle, je m’engagerais à vous instruire de ma réussite, et à vous faire donner communication des nouveaux résultats que j’aurais obtenus, pour vous mettre à même de prononcer. Alors, je n’aurais plus qu’à me décider d’après les propositions qui me seraient adressées subséquemment. Veuillez me répondre ici, car je compte partir bientôt : et lors de mon passage à Londres, mon entrevue avec vous serait trop courte pour <pouvoir> régler d’une maniere convenable les arrangemens <conditionnels> dont il s’agit.

 

 

24 janvier 1828 – Nicéphore Niépce à Isidore Niépce (BNF)

si je pouvais de mon côté, parvenir à combler le déficit, je t'avoue que je n'y manquerais pas. La chose n'est pas possible ici pour le moment, et pour te l'expliquer, je vais te faire part, plus en détail, du résultat de toutes mes démarches. S'il n'a pas été plus heureux, ce n'est ni de ma faute ni de celle des personnes qui ont bien voulu s'intéresser à moi. J'ai eu deux entrevues avec l'opticien auquel on m'avait adressé et dont je t'ai parlé ; mais elles n'ont abouti à rien. On m'a mis ensuite en rapport avec un des plus riches marchands de tableaux et de gravures de Londres, qui aurait bien voulu acheter ma découverte, telle qu'elle est, à vil prix ; et avec lequel je me félicite de n'avoir contracté aucun engagement. Il y a plus à perdre qu'à gagner avec des gens qui ne voient dans cequi intéresse les arts, qu'un objet de spéculation purement mercantile ; aussi n'ai-je pas voulu aller frapper à d'autres portes. La seule chose dont j'aie à m'applaudir, et qui me flatte beaucoup, j'ose le dire ; c'est d'avoir fait connaissance assez particulière avec l'excellent Mr. Bauer, de la Société Royale de Londres ; d'avoir eu des rapports avec d'autres membres distingués de cette société, tels que Mr. le baron d'Home, Mr. le docteur Young, associé de l'Institut, et de Mr. le docteur Wollaston, inventeur des verres périscopiques et de la camera lucida ; et d'avoir été secondé autant qu'il pouvait dépendre de lui, par Mr. le vice-président de la Société des Arts, dans les tentatives que j'ai faites pour tirer parti de ma découverte. Tous ces Messieurs s'accordent à la trouver très-curieuse, très-étonnante, et susceptible de beaucoup d'applications du plus grand intérèt. On m'engage fortement à la perfectionner : c'est bien aussi ceque je compte faire aussitôt après notre retour. Mr. le Dr. Wollaston m'a fait cadeau d'une petite brochure sur une nouvelle chambre noire de son invention, dont l'objectif est périscopique. Cette invention me parait supérieure à tout cequ'on a imaginé de mieux jusqu'ici, dans ce genre-là ; et je me propose, quand nous serons à Paris, de me procurer un semblable objectif chez Chevalier. A l'aide de meilleurs verres et de quelques autres perfectionnemens que j'ai en vue, j'espère que l'année ne se passera pas sans que je parvienne enfin, à une complette réussite. Alors, il ne me sera pas difficile d'utiliser ma découverte. J'aurais bien eu tort de la vendre dans son état actuel : c'eût été une véritable folie, et manger comme on dit, son blé en herbe. J'ai écrit il y a plus d'un mois à Mr Daguerre, et je ne sais pourquoi il ne m'a pas répondu. Il devait venir à Londres dans le courant de janvier. J'ai demandé dernièrement de ses nouvelles au Diorama : on n'a pas pu m'en donner, et même on ignorait encore qu'il dût venir ; mais je ne manquerai pas de le voir à Paris, ainsi que Mr Lemaitre qui désire que je lui envoie quelque sujet préparé au vernis, sur cuivre, pour le graver lui-même.

 

 

3 février 1828 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

Quand à vous, Monsieur, je vois avec peine que vos occupations vous ont detournés de votre intéressante découverte ; et que vous n’avez trouvé en quelque sorte que decouragement en Angleterre ; mais consolez vous, il n’est pas possible qu’il en soit de même ici ; surtout si vous arrivez au résultat que vous avez droit d’esperer, je puis vous assurer qu’on ne verra pas cela avec la même indifférence. Je me ferai un veritable plaisir, si cela peut vous être agreable, de vous indiquer les moyens d’en tirer la meilleure partie. Je ne puis vous dissimuler que je brule du desir de voir vos essais d’après nature. Car si mà découverte à pour base un principe plus incompréensible, il n’en est pas moins que vous etes bien plus avancé dans les résultats, ce qui doit nécaissairement vous encourager.

 

 

22 février 1828 – Nicéphore Niépce à Isidore Niépce (ASR)

j’ai eu le tems de faire les commissions dont j’avais pris note et de voir à loisir M.M. Daguerre et Lemaître. Il était surtout intéressant pour moi, de suivre de près la confection des objectifs périscopiques que j’avais commandé à l’opticien Chevalier, les quels ne sont que depuis deux jours à ma disposition. Ainsi j’emporterai avec moi bien de choses que je n’aurais pu me procurer à Châlon, et qui me seront d’une grande utilité d’après la détermination que j’ai prise de suivre mes recherches héliographiques et de les terminer promptement.

 

 

24 mars 1828 – Vincent et Charles Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

Nous avons remis aujourd’hui aux Diligences Royales l’Objectif achromatique à trois verres de 12 pouces de foyer et 3 pouces de diamètre, facture jointe à l’envoi montant à 102 francs. Il faudra faire attention que chaque surface qui doit s’appliquer est marquée de 0 et 1. La lentille A doit regarder les objets et celle C, doit être placée du côté de l’écran, les trois verres étant appliqués l’un sur l’autre par leurs surfaces respectives comme figure 2.

 

 

4 avril 1828 – Nicéphore Niépce à Vincent et Charles Chevalier (AAS)

Conformément à votre lettre d’envoi du 24 Mars passé, j’ai reçu avec l’objectif achromatique que je vous avais demandé, la facture montant à la somme de 102 francs que je vous adresse franche de port, par le Bureau de la poste aux lettres (…) Votre objectif n’étant pas adapté à ma chambre noire, je n’ai pas encore pu l’essayer ; mais il me parait confectionné soigneusement : je ne doute donc point qu’il ne confirme la réputation distinguée que vous vous êtres acquise, et qu’il ne justifie la confiance que vous m’avez inspirée.

 

 

4 mai 1828 – Nicéphore Niépce à Francis Bauer (ASR)

J’ai pris, durant notre séjour prolongé à Paris, mes mesures de précautions, en me procurant tout ce qui pouvait m’être nécessaire pour la continuation de mon travail. J’ai fait construire par l’opticien Vincent Chevalier, un objectif achromatique qui donnera infailliblement dans la chambre noire, plus de champ et plus de netteté aux images représentées. Il m’a confectionné pareillement pour le même objet un verre périscopique d’après le système du Dr Wollaston. Je serai ainsi à portée de comparer et de juger lequel des deux procédés est le plus avantageux. Je n’ai pas négligé de voir Mr Lemaitre, graveur, et Mr Daguerre. J’ai eu avec eux plusieurs entrevues, et ils m’ont bien recommandé de profiter de la belle saison pour donner suite à mes recherches. Mr Lemaitre m’a dit obligeamment, que je pouvais disposer de son Burin ; il m’a même prié de lui envoyer quelques points de vue d’après nature, préparés sur cuivre, et il se chargera de les graver. J’ai reçu aussi de Mr Daguerre beaucoup de témoignages d’obligeance, et surtout d’excellents conseils que je tâcherai de mettre à profit. Depuis mon retour ici, je n’ai plus eu de rapport avec eux : je ne me propose même de leur écrire que lorsque j’aurai obtenu un résultat décisif, si toute fois je puis m’en flatter. Quant à Mr Daguerre, je ne sais d’ailleurs où le trouver ; car il se disposait à faire quelques courses ou plutôt quelques voyages ; ce qui me porte à croire qu’il n’est pas à Paris dans ce moment. Quoique les nouveaux appareils auxquels j’ai fait travailler ici, ne soient pas encore disponibles, ça ne m’a point empêché, Monsieur, de reprendre mes expériences héliographiques d’après les moyens de perfectionnement indiqués dans ma notice. Je suis même déjà dans le cas de reconnaître que je ne m’étais point trompé dans l’apprétiation de quelques uns de ces moyens appliqués je ne dis pas à la gravure, mais au dessin d’objets vus dans la chambre noire. En partant de ces dernières données, j’ai lieu de bien augurer de mes prochains essais de points de vue d’après nature, quoique ce genre de représentation soit sans doute ce qu’il y a de plus difficile, et que je ne prétends pas arriver ainsi d’emblée à la perfection. Voici le moment le plus favorable : la campagne est revêtue de tout l’éclat de sa parure ; j’attends donc avec impatience que mes appareils soient prêts pour me mettre en mesure d’opérer. Si j’obtiens d’heureux résultats, j’aurai, Monsieur, le plaisir de vous en instruire, et de répondre même par là, j’en suis sûr, au vif intérèt que vous voulez bien prendre à l’objet de mes recherches. Dans ce cas, vous me permettez aussi, je l’espère, de vous offrir celui de mes nouveaux essais qu’on aura jugé plus digne de vous être présenté. Mais n’anticipon[s] pas sur l’avenir : il y a souvent à cela du mécompte, et je sens que je me laisse trop [souvent] entraîner par une illusion à laquelle la reconnaissance prête encore plus de charme.

 

 

12 mai 1828 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

j’ai voulu m’assurer, cher Cousin, si une solution saturée de muriate d’ammoniac, au degré de l’ébulition, pourrait décaper l’argent ; mais cette tentative a été sans succès. j’essaierai le procédé que vous avez retrouvé dans vos notes, et que vous voulez bien m’indiquer : j’espère qu’il me fournira un meilleur résultat. l’acide sulfurique contenu dans le sulfate d’alumine, me semble devoir agir avec beaucoup plus d’énergie sur l’argent, que le muriate d’ammoniac, au même degré de/ température. j’ai une espèce de casserole en cuivre rouge non étamé, qui me servira très bien provisoirement pour ce nouvel essai. mon appareil pour les points de vue est prêt. il ne me reste plus qu’à peindre intérieurement ma chambre obscure, et à me procurer quelques planches en doublé d’argent : je viens d’écrire à Paris pour les commissionner, en recommandant de les expédier le plus tôt qu’il sera possible. au reste, ce n’est que le tems qui me manquera : il ne m’en faudra pas beaucoup pour copier 3 ou 4 points de vue d’après nature ; mais il est essentiel que le résultat obtenu soit décisif. Et c’est ceque l’expérience seule peut m’apprendre. dans tous les cas j’aurai le plaisir de vous en informer.

 

 

20 juin 1828 – Vincent et Charles Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

Nous avons l’honneur de vous adresser (…) les quatre plaques de doublé d’argent que vous avez bien voulu nous demander, et nous pensons vous faire plaisir en vous adressant les plaques différemment travaillées dont les prix sont ainsi qu’il suit (…) Nous avons transmis vos observations à Monsieur Balaine qui nous a répondu ce qui suit : « Mr Balaine a pris connaissance de la lettre de Mr Niépce du 12 courant ; il m’a dit qu’il garantissait les plaques qu’il doit livrer ; il répond au contenu de la lettre, qu’on a probablement mis des acides sur les plaques, mais qu’il répond que celles envoyées le 5 juin, comme celles qu’il doit livrer, sont absolument sans défauts et qu’elles ne peuvent absolument que produire l’effet qu’on en attend. Ces plaques sont bien au 20è et absolument conformes à la commande, c’est-à-dire bien polies, bien dressées et de la même grandeur ».

 

 

2 juillet 1828 – Vincent et Charles Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

Nous avons remis aujourd’hui aux diligences Royales la caisse contenant les quatre plaques planées et polies. Nous avons l’espoir qu’elles vous parviendront en bon état et que vous en serez satisfait.

 

 

10 juillet 1828 – Nicéphore Niépce à Vincent et Charles Chevalier (AAS)

Je vous adrèsse, par le Bureau de la poste (…) le montant de ceque je vous dois pour les planches en doublé simple, dressées et polies que vous venez de m’expédier. je ne puis, Messieurs, que vous exprimer à ce sujet, ma satisfaction, et vous remercier en même tems de l’empressement que vous avez bien voulu mettre à seconder mes désirs dans cette circonstance.

 

 

20 juillet 1828 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

ainsi vous jugerez si je puis me livrer à tête reposée à mes recherches héliographiques. j’ai également éprouvé, sous ce rapport, toutes sortes de contrariétés. j’avais, comme vous le savez, commissionné à Paris quelques planches d’argent plaqué. après les avoir attendues fort longtems, elles me sont enfin parvenues ; mais si mal préparées que je n’ai pu m’en servir. je n’ai pas été plus heureux la premiere fois, en m’adressant à l’opticien Chevalier : il m’a fallu lui renvoyer mes planches, et ce n’est que la seconde fois seulement, que je les ai reçues telles que je les avais demandées. depuis qu’elles sont à ma disposition, et il y a fort peu de tems, je n’en ai pas encore fait usage, voulant donner suite à une application nouvelle et plus intéressante de mes procédés, sur verre. les résultats que j’ai obtenus, me font regarder jusqu’ici, ce mode d’application comme le plus propre à rendre fidèlement la nature, à l’aide d’un appareil où l’image fixée se trouve réflechie sur une glace ; cequi ne permet pas de le confondre avec le Diorama, sous ce rapport, et ensuite parceque l’objet, vu en plein jour, n’exige pas que le spectateur soit dans l’obscurité. mon intention n’est pas, pour cela, de négliger les autres genres d’application ; mais on ne peut pas tout faire à la fois : le te[ms] d’ailleurs, n’est pas toujours favorable. S’il ne pleut pas il [fait] quelque fois du vent, ou des vapeurs obscurcissent l’air. il ne faut pas croire non plus, que les procédés de manipulation soient aussi faciles qu’on se l’imagine. ce n’est donc qu’après avoir surmonté toutes les difficultés qu’ils présentent, que je pourrai chanter victoire, et c’est à cela que je m’attache essentiellement.

 

 

20 août 1828 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Depuis qu’il m’a été permis de me livrer de nouveaux à ces recherches, j’ai encore été fort contrarié par le mauvais tems et par le retard qu’on a mis à me fournir quelques planches en doublé d’argent, préparées comme je le désirais. Malgré cela, et quoique je n’aie pu faire que peu d’expériences, je vois avec satisfaction, Monsieur, que j’approche sensiblement du but que je m’étais proposé. J’ai entièrement renoncé à la copie des gravures, et je me borne à celle des points de vue pris avec la chambre noire perfectionnée par Wollaston. Ses verres périscopiques m’ont procuré des résultats bien supérieurs à ceux que j’avais obtenus jusqu’à présent avec les objectifs ordinaires, et même avec le prisme-ménisque de Vt Chevalier. Mon unique objet devant être de copier la nature avec la plus grande fidélité, c’est à quoi je m’attache exclusivement, car ce n’est que lorsque j’y serai parvenu (si, toute fois, il n’y a pas un peu trop de témérité de ma part dans cette supposition) que je pourrai m’occuper sérieusement des différens modes d’application dont ma découverte peut être susceptible. D’après cela, Monsieur, je différerai donc encore de vous adresser des essais de points de vue, préparés sur cuivre : j’aime mieux attendre que de réclamer prématurement l’intervention de votre burin, quelque obligeance que vous ayez bien voulu mettre à me l’offrir. Au reste, je serais faché que vous pussiez voir dans cette prudente reserve autre chose que <ce que> je veux exprimer : je puis vous certifier que j’ai plus lieu que jamais <de compter> sur une réussite complette, si d’ici à la fin de la belle saison je suis aussi satisfait du résultat de mes recherches que je l’ai été depuis que je les ai reprises.

 

 

24 novembre 1828 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Depuis un mois, cher Cousin, j’ai suspendu mon travail sur la copie des points de vue d’après nature. La belle saison ne m’a pas été, sous ce rapport, des plus favorables ; mais, si je n’ai encore rien obtenu de bien décisif quant aux résultats, c’est-à-dire, quant à l’application manuelle de mes procédés, je me suis dumoins plus rapproché du but. la possibilité d’imiter sur verre, les éffets du Diorama, m’est actuellement démontrée, et j’ai l’espoir fondé de donner aux représentations des objets sur argent plaqué, toutes les dégradations de teintes du noir au blanc ; chose importante qui m’avait été bien recommandée par Mr Daguèrre. je donnerai suite à cette partie de mes recherches, si la mauvaise saison le permet ; et avant le retour du printems, je me précautionnerai de verres periscopiques d’un plus grand foyer ; ceux que j’ai ne pouvant servir que pour des objets très rapprochés. vous trouverez, cher Cousin, que je ne fais pas de bien rapides progrès. à dire vrai. depuis notre retour de Londres, surtout, ma position ne me laisse plus cette tranquillité d’esprit qu’avaient entretenues jusqu’alors, les illusions de l’espérance, et que l’arrangement définitif de nos affaires, peut seul nous faire recouvrer.

 

 

18 décembre 1828 – Nicéphore Niépce à Vincent Chevalier (AAS)

Les deux objectifs périscopiques que vous m’avez confectionnés dans le courant de février dernier, ont pour moi, l’inconvénient de ne pouvoir représenter que des objets peu éloignés à raison de leur court foyer. je désirerais donc m’en procurer deux autres, mais de 24 pouces de foyer chacun, et de 6 pouces de diamètre ; d’un verre pur, et sans défauts. Veuillez, préalablement, me marquer le prix de ces deux objectifs, pour me mettre à même de me décider à vous les commissionner. dans ce cas, et lors que je les aurai essayés, il me faudra des planches en doublé, d’une plus grande dimension : je vous prierai alors, Monsieur, de me les procurer ; et je me repose à cet égard, sur votre obligeance accoutumée. les résultats que j’ai obtenus jusqu’ici, sur argent-plaqué, sont très satisfaisans ; mais les planches n’avaient pas tout le poli désirable : j’ai reconnu depuis, que cette condition est absolument nécessaire pour que l’image des objets soit représentée avec une grande netteté.

 

 

25 décembre 1828 – Vincent et Charles Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

Nous avons reçu votre lettre du 18 décembre 1828. Un objectif de court foyer représente les objets près et éloignés aussi bien qu’un verre de long foyer, seulement l’image en est plus petite. Vous me demandez le prix des verres périscopiques de 6 pouces de diamètre et 24 pouces de foyer : des pareils verres éxigeraient beaucoup de travail et pourraient coûter de 40 à 50 francs pièce tandis que d’un diamètre de 4 à 5 pouces ils ne vaudraient que de 20 à 30 francs. Pour d’aussi grands diamètres je vous conseillerais d’abandonner le système périscopique qui ne donne pas des avantages bien réels et qui augmente extrêmement l’ouvrage ; des verres bi-convèxes de 6 pouces de diamètre ne couteraient que 20 ou 25 francs et feraient aussi bon effet (…) Quant au poli des plaques d’argent, je désespère de pouvoir le mieux faire, mais lorsque vous en aurez besoin en m’indiquant les conditions indispensables pour vos expériences je ferai mon possible pour vous satisfaire.

 

 

1829


9 janvier 1829 – Nicéphore Niépce à Francis Bauer (ASR)

Vous vous rappelez peut-être, Monsieur, les moyens de perfectionnement indiqués dans ma Notice. Je n’ai pas négligé d’en faire l’application ; et j’en augure trop bien jusqu’ici, pour ne pas m’en occuper de nouveau, dès que le retour de la belle saison me permettra de reprendre mon travail. J’ai aussi reconnu, d’après quelques essais sur verre, la possibilité d’imiter avec la plus grande vérité, et tout le prestige de l’illusion, les éffets du Diorama, sauf pourtant, la Magie du coloris. Mais, Monsieur, autant je doutais, dans le principe, qu’il fût possible de représenter les objets avec leurs couleurs naturelles, comme je serais disposé à le croire maintenant. L’expérience m’a procuré là-dessus, des données qui viendraient jusqu’à un certain point, à l’appui de cette conjecture, et seraient en même tems, une conséquence assez directe de la théorie de Newton sur les anneaux colorés. Malgré cela, il y aurait plus que de la témérité de ma part, à donner à quelques résultats prématurés une importance qu’ils sont encore loin de mériter ; et si j’ose vous les communiquer, Monsieur, avec tout l’abandon de la confiance, c’est pour ne rien vous laisser ignorer de ce qui se rattache à des recherches auxquelles vous voulez bien prendre un si vif et si constant intérèt. Dans quelques mois d’ici, je les poursuivrai, je l’espère, avec de nouvelles garanties de succès pourvu que la saison me soit moins défavorable que l’an passé ; et je me bornerai d’abord, à une seule application de mes procédés, afin d’arriver plus promptement au but. Si j’ai ce bonheur-là, Monsieur, vous pouvez compter sur mon empressement à vous le faire savoir.

 

 

12 janvier 1829 – Nicéphore Niépce à Vincent et Charles Chevalier (AAS)

D’après les observations contenues dans votre réponse du 25 Décembre passé, je me décide à remplacer les verres périscopiques par des verres bi-convexes. comme on <peut> avec ces derniers verres, lorsqu’ils sont d’un grand foyer, rétrécir le champ de l’image, et obtenir par là plus de netteté ; cette ressource compense à peu de chose près l’avantage que présente le système périscopique. En conséquence, je vous prie, Messieurs, de me faire confectionner deux objectifs bi-convexes, de 6 pouces de diamètre et de 24 pouces de foyer, au prix de 25 francs pièce ; à condition qu’ils seront bien travaillés, et que le verre sera de la meilleure qualité et sans défauts. pourvu que je les ais dans deux mois, c'est-à-dire dans la premiere quinzaine de Mars prochain, ça me suffit ; mais je désire pouvoir compter là-dessus. je profite de la circonstance pour vous adresser franche de port par la Diligence, une petite boîte contenant 2 planches en doublé au 20.me pareilles aux autres, mais brunies ; et que vous voudrez bien faire polir et dresser, le mieux qu’il vous sera possible. je vous prie également, Messieurs, de me procurer deux autres planches de même épaisseur, et au même titre ; mais plus grandes, et conformes au modèle en carton qui se trouve dans la boîte ; lesquelles seront aussi, dressées et polies convenablement. pour vous mettre à portée de mieux juger de l’importance de cette double condition, surtout de la première, je joins à cet envoi, un éssai de l’application de mes procédés héliographiques sur argent plaqué. il est éssentiel, à cause du reflet métallique qui contrarie la vision, de placer l’image dans un endroit peu éclairé ; cequi me ferait vivement désirer que l’on pût détruire ce brillant du métal, sans lui communiquer en même tems, cette propriété absorbante et nuisible qu’il contracte par l’effet du blanchiment. mais, en examinant la petite plaque, vous verrez, Messieurs, qu’elle est encore plus ou moins rayée dans presque toute sa surface ; et c’est un inconvénient qu’il importe d’éviter. comme je ne suis pas plus pressé d’avoir la planche que les objectifs, vous pouvez me les expédier en même temps (…) P.S. il est inutile de me renvoyer l’essai héliographique. je désirerais encore que vous eussiez l’obligeance de me procurer et de me faire parvenir, à l’époque indiquée, une douzaine de verres à gravure, sans défauts ; bien blancs et bien dressés, pour une application particulière et très..intéressante de mes procédés. ces verres seraient taillés sur le modèle de carton ; et je voudrais de plus, qu’un de ces 12 verres fût légèrement dépoli, d’une face ; c'est à dire assez seulement, pour lui enlever son éclat, afin de pouvoir comparer les résultats obtenus.

 

 

3 avril 1829 – Vincent et Charles Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

Conformément à vos demandes nous vous adressons aujourd’hui par la diligence : 2 Objectifs de 6 pouces de diamètre ; 2 Planches de plaqué, dimension du carton, planées et polies ; 2 Id. seulement planées et repolies ; 1 Douzaine de verres à gravure dont une glace dépolie légèrement. Nous avons fait notre possible pour polir d’une manière convenable les planches de plaqué, une est matée pour échantillon de ce qu’on peut faire dans ce genre. Nous désirons avoir réussi dans l’objet de vos commandes. Nous vous remercions du cadeau qui nous est bien agréable, de votre essai heliographique.

 

 

14 avril 1829 – Nicéphore Niépce à Vincent Chevalier (AAS)

j’ai reçu la boîte dont vous m’avez annoncé l’envoi par votre lettre du 3 avril courant. je suis également satisfait des deux objectifs, des planches de plaqué et de la glace dépolie ; mais je regrète que les verres à Gravure aient tant de défauts ; cequi m’empêchera de les soumettre utilement à l’application que j’avais en vue. je ne désespère pas toute fois, de pouvoir les employer à un autre objet ; et je n’en suis pas moins sensible à l’empressement plein d’obligeance que vous avez mis à me les procurer. je vous remercie aussi, Monsieur, de la planche de plaqué matée que vous m’avez envoyée pour échantillon : je suis bien aise que vous ayez prévenu mes désirs à cet égard, d’après la réflexion contenue dans ma première lettre. je souhaite qu’un résultat décisif me mette à même de vous faire de nouvelles commandes ; j’en saisirai l’occasion avec un double plaisir.

 

 

23 avril 1829 – Vincent Chevalier à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai été très content d’apprendre que les divers objets que je vous ai adressés vous ont satisfait. Il est presqu’impossible de trouver des verres à gravure sans défauts, il faudrait pour cela employer de la glace choisie du genre de celle dépolie, mais alors je pensais que le prix aurait été trop élevé. Je souhaite que vos essais réussissent comme vous le désirez ; d’ailleurs il y a tout lieu de croire à des résultats parfaits d’après le bel échantillon dont vous avez bien voulu me faire cadeau et qui m’a été fort agréable.

 

 

18 septembre 1829 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

Je suis on ne peu plus charmer d’apprendre que vous avez continué vos aissais de gravure et surtout de penser que vous êtes parvenu à de nouveaux resultats, je recevrais avec bien du plaisir la preuve de vos succes. Je ne puis vous en dire autans ; il ma été de toute impossibilité de me livrer à mes expériences sur la Lumiere : mes grandes occupations en peinture m’en ont absorbé tous les instants ainsi que plusieurs voyages.

 

 

4 octobre 1829 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Lorsque j’étais à Paris, et même depuis mon retour, Mr Daguerre m’avait témoigné le désire (sic) de connaître le résultat de mes nouvelles recherches héliographiques. Je viens en conséquence de lui adresser un essai sur argent plaqué de point de vue d’après nature, pris dans la chambre noire, et je le prie en même tems de vous en donner communication ; présumant que cet essai, quelque défectueux qu’il soit, pourra vous intéresser, ne fût ceque sous le rapport de la nouveauté. Je crois devoir vous faire observer, Monsieur, que ce point de vue, pris de la chambre où je travaille à la campagne, est entièrement défavorable, puisque les objets se trouvent éclairés par derrière, ou du moins sous une direction très-oblique, durant une partie de l’opération ; ce qui doit nécessairement produire une disparate choquante dans le résultat. Mais vous jugerez d’après quelques détails fidèlement rendus de ceque pourrait être le résultat dans toute autre circonstance ; et une épreuve très récente vient de me mettre à portée de m’en assurer. Toute la soi-disant belle saison a été si mauvaise, qu’il m’a fallu malgré la meilleure volonté, suspendre mon travail. Je comptais pouvoir vous adresser, Monsieur, quelques essais de points de vues sur cuivre, pour la gravure ; et ça ne m’a pas été possible ; mais ce qui est différé n’est pas perdu. Vous ne devez pas douter de mon empressement à répondre à l’offre obligeante que vous m’avez faite plusieurs fois à cet égard là. En priant Mr Daguerre de me renvoyer mon épreuve après qu’il vous l’aurait communiquée, je le préviens que je vous en donne avis, Monsieur, et c’est demain que l’envoi lui parviendra.

 

 

12 octobre 1829 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

Puisque vous le desirez, je vais vous soumettre bien franchement mes observations concernant votre gravure. Il est certain que l’effet que vous avez représenté par la chambre noire est un des plus ingrat, cependant il est difficile de choisir des vues sans ombres, puisque ce sont les ombres qui donnent les reliefs, mais aussi il est nécaissaire que ces ombres soit comme dans la nature graduée à l’infinie ; sans cela il y à confusion ce qui arrive dans votre vue ; je ne distingue dans toute son étendue que trois ou quatre valeurs de ton ; cela ne peut suffire pour l’essor de chaque objet et la distance des plans ; encore existent-ils des petites nuances qui font du reste très bien, mais qui ne pourroit pas être rendus sur le papier par l’impression, puisque le métal n’est pour ainsi dire que salie ; dans cet état de choses ce procedé n’aurait nul succes dans les arts, je veux dire seulement sous le rapport de sa gravure, car la découverte n’en paroîtroit pas moins extraordinaire ; mais quand on pense que le moindre élève avec le secour de la chambre noire peut dessiner et poser quelques teintes et avoir un résultat non moins exacte, il est certain qu’il faut, pour faire remarquer ce procédé, une perfection quelconque, qui ne pourroit se rendre autrement ; Vous savez, Monsieur, que je ne suis pas partisan de l’application que vous en faites à la gravure, parce qu’il me semble que vous devez avoir sur votre matière absorbante un résultat plus parfait et qui est probablement detruit en partie par l’application de l’acide même le plus faible ; je suppose que le principal motif qui vous engage a ce genre est plutôt la difficulté de separer autrement l’image représentée sur le corps absorbant et que vous savez q’en livrant une épreuve vous donné avec le secret ; s’il en étoit ainsi et que vous soyez dans l’intention de mettre au jour votre procédé, il y auroit un moyen pour en tirer avant de le faire connoître un grand partie, indépandament de l’honneur que vous ferait cette decouverte, mais il faudroit pour cela arriver à une perfection telle qu’on ne puisse l’égaler de quelques années. Dans le cas ou cela vous seroit agréable, je pourrois vous etre utile ; il est nécéssaire aussi que la chambre noire sois parfaite ; le verre menisque dont vous vous servez ajoute fort peu au perfectionnement, puisqu’il ne detruit que faiblement l’aberration de sphericité et qu’il est nul pour l’aberration de réfrangibilité ; pour ce probleme la première condition est que la lumière modifiée de chaque corps arrive dans le même état sur la substance, <et> cela n’est pas ainsi après avoir traversé les verres bi-convexe ou menisque puisqu’elle est décomposé. cela est visible dans tous les contours de votre vue d’après nature : ils sont bordé de franges et bien plus sensible sur les devant que dans les fonds parceque l’angle est plus ouvert. Il y a aussi apparence que votre effet n’est pas resté le même tout le temps qu’il a falu pour le fixer, puisque le soleil semble avoir parcouru de sa droite à sa gauche ; cela rendroit impossible toute impression d’images d’après nature ; le plus de temps que l’on puisse mettre seroit quinze minutes ; encore le choix en seroit déjà très borné. Dans l’état ou en sont les arts presentement il ne faut pas arriver à-demi, car le moindre perfectionnement apporté a une découverte fait souvent oublier son premier auteur. Si vous croyez que votre substance absorbante soit arrivée a son dégré de perfectionnement et si vous êtes, je le réppète, dans l’intentions de faire connaître votre découverte, je vous donnerez le moyen d’en tirer le plus grand parti, si toute fois le résultant de la chambre noire sur la substance est preferable a la planche que j’ai sous les yeux. J’ai fais voir votre essai à Monsieur Lemaitre comme vous le desiriez il ma paru penser entièrement comme moi sous le rapport de la gravure, il doit vous ecrire a ce sujet. Excusez moi, Monsieur, de ma franchise ; mais je m’en voudrois beaucoup si je n’étoit pas sincère avec vous.

 

 

12 octobre 1829 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

Je suis allé chez Mr Daguerre, après en avoir reçu un billet par lequel il m’invitait à venir voir votre essai de gravure par votre procédé héliographique. Comme je connaissais vos differens essais pour la reproduction de diverses gravures, votre point de vue d’après nature pris dans la chambre noire ne m’a pas surpris, mais il m’a fait le plus grand plaisir surtout en pensant qu’il était la reproduction de la nature, sans aucun autre travail manuel que la préparation qu’il fallait pour l’obtenir, et ensuite je crois l’action d’aciduler le métal pour l’y fixer. Comme vous trouvez vous même cet essai deffectueux je serai sobre d’observation ; j’attendrai donc que vous m’ayez fait connaître quelques résultats plus perfectionnés ; cependant je ne puis passer une observation sur laquelle je suis tombé d’accord avec Mr Daguerre. Nous avons remarqué que deux faces de maisons qui doivent être dans la nature parallèles et opposées se trouvent dans votre sujet éclairées en même tems, cela est un contresens d’effet ; malgré que les objets se trouvent éclairés par derrière ou obliquement, deux faces parallèles et opposées ne peuvent être éclairées en même tems ; nous avons attribué cette circonstance à la durée de l’opération, et pendant laquelle le soleil a du nécessairement changer de direction. <pour> parler de cette production sous le rapport de la gravure il aurait fallu que j’en visse une épreuve, si toutefois elle en peut tirer. Les lointains qui sont au centre de cette gravure et qui en sont la meilleure partie rendent parfaitement toute la finesse de dessin de la nature, mais ne donnent pas du tout la valeur des tons ; en général dans cette gravure il y a des tons qui devraient être légers et qui paraissent noirs tandis que d’autres au premier plan sont vagues, lorsqu’ils devraient être fortement accusés. Je ne voulais presque rien dire et j’ai critiqué plus que je n’aurais dû ; j’espère que vous voudrez bien excuser la franchise avec laquelle j’ai pris la liberté de vous transmettre ma manière de sentir, car je n’ai fait ces observations que à cause de l’intérèt très vif que je prends à votre admirable procédé.

 

 

23 octobre 1829 – Nicéphore Niépce à Louis Jacques Mandé Daguerre (ASR)

Je vous suis bien bon gré de la critique sévère, mais juste que vous avez faite de mon essai de point de vue d’après nature ; la franchise avec laquelle vous vous exprimez, est pour moi, la preuve la plus convaincante du véritable intérèt que vous prenez à ma réussite. Je vous ferai toutefois observer que ma planche n’est point gravée, mais simplement noircie sans l’intervention d’un acide quelconque. à l’aide de ce nouveau procédé, j’espérais obtenir, sur l’argent plaqué, toutes les dégradations de teintes du noir au blanc. Plusieurs raisons, parmi lesquelles mon inexpérience doit être comptée pour beaucoup, ont fait manquer ce résultat, mais si vous alliez chez Vincent Chevalier aîné, vous y verriez ce même procédé appliqué plus heureusement à une copie de gravure. En supposant une planche gravée, vous <conjecturez>, Monsieur, que le motif qui m’empêche de <livrer> des épreuves, est la crainte de compromettre mon secret ; parce que vous imaginez que la substance intermédiaire qui le constitue, se trouve portée sur le papier ; mais il n’en est <point> ainsi, car aucune trace de cette substance ne reste sur la planche, lorsqu’elle reçoit l’encre d’impression. Les observations critiques de Mr Lemaitre, <sont entierement conformes à> celles que vous voulez bien m’adresser. Comme vous, Monsieur, il attribue à une trop longue prolongation de l’action solaire la discordance et la confusion que vous avez signalées. Cet inconvénient, je l’avoue, est grave, et cependant il m’est impossible de l’éviter avec un appareil aussi défectueux que le mien. En éffet, les devants et les bas surtout y sont si faiblement éclairés qu’il faut un tems considérable pour fixer, même légèrement, l’image presque inapperçue des objets, dans cette partie de l’écran. Or, plus cette image est vive et resplendissante, plus tôt elle est empreinte, <quoique> la maniere d’appliquer la préparation y contribue indubitablement et <que> la pureté de l’air ainsi qu’une température élevée n’y sont même pas étrangères. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il m’est arrivé d’obtenir avec la chambre <noire>, un résultat satisfaisant dans <l’espace de trente minutes> ; d’où je crois pouvoir conclure <que ce résultat> serait <très-supérieur> et bien plus prompt avec un appareil qui aurait comme le vôtre, Monsieur, toute la perfection désirable. Vous me demandez si l’empreinte primitive <produite> sur la matiere que j’emploie, vaut mieux que celle qui existe sur la planche. je puis répondre là dessus affirmativement, <car> d’après la maniere dont j’ai procédé pour noircir cette planche, il était difficile que je pusse réussir ; <une couche trop épaisse de noir ayant recouvert les traits les moins délicats de l’empreinte, de sorte qu’il m’a fallu> la frotter avec un linge, pour parvenir <tant bien que mal> à la dégager. Je <persiste à croire>, malgré cela que l’on pourrait <utiliser> ce mode d’application. Quant <au degré de perfectionnement que peut avoir la substance,> soumise aux impressions de la lumiere, [il m’a été démontré,] d’après le résultat d’expériences comparatives, que la substance intermédiaire soumise aux impressions du fluide lumineux, est éminemment propre à rendre les teintes les plus délicates de la nature. En résumant ce que je viens de dire, l’unique difficulté qui se présente, se réduirait, selon moi, à restreindre la production de l’effet dans un espace de tems moindre que celui que vous avez déterminé ; ce qui dépendrait presque entièrement de la perfection de la chambre obscure, et ce qu’il m’est impossible de constater sans cela. Si cette perfection est telle que l’image soit éclatante et partout d’une grande netteté, je ne doute point de la bonté, de la supériorité des résultats obtenus ultérieurement. Je suis on ne peut pas plus sensible, Monsieur, à l’offre pleine d’obligeance que vous avez la bonté de me faire ; je vous en remercie infiniment, et je l’accepte avec <beaucoup de> plaisir. peut-être avez-vous oublié la communication verbale que vous reçûtes de nous, à ce sujet lors de notre séjour à Paris : dans ce cas, il m’est bien agréable de vous la rappeler. <Je> vous propose<donc>, Monsieur, de coopérer avec moi au perfectionnement de mes procédés héliographiques, et, <de leurs differens modes d’application, en vous associant> aux avantages <que ce perfectionnement> donne lieu d’espérer. Je n’aurais qu’à m’applaudir d’une détermination de votre part, qui m’offrirait, dans le concours de vos lumieres, <une> garantie de succès, et dans la loyauté connue de vos sentimens, tout ce qui peut inspirer la plus juste confiance. Comme il ne s’agit point encore d’exploiter cette découverte, ma proposition n’aurait, pour le moment, d’autre objet que des recherches et des expériences faites respectivement, dans le but commun d’une complette réussite ; et j’aime à me persuader que vous consacreriez volontiers, <Monsieur,> quelques instans, à un genre de travail qui a <plus d’une> analogie avec vos occupations habituelles, et qui se réduit à fort peu de choses du côté de la dépense. Je désirerais aussi, que Mr Lemaitre voulût s’adjoindre à nous. L’opinion <extrêmement> avantageuse que j’ai conçue de lui et l’offre réitérée qu’il a bien voulu me faire de son Burin, devaient <en quelque sorte> me préscrire un pareil choix : je vais lui écrire à ce sujet. Veuillez donc, m’instruire du résultat de votre détermination <et s’il est tel qu’il m’est permis de l’espérer> nous nous concerterons alors sur les arrangemens qui en seront la suite.

 

 

25 octobre 1829 – Nicéphore Niépce à Augustin François Lemaitre (ASR)

Je suis fâché que vous ayez craint de trop critiqué mon essai de point de vue d’après nature. Pour moi qui sais ce qu’il y a d’honnête et d’obligeant dans le motif qui vous a dirigé, je n’ai qu’un regret, c’est que vous ayez trop ménagé la juste sévérité de vos observations. Vous avez cru que ma planche était gravée, mais elle ne l’est pas, elle n’est que noircie sans aucun emploi d’un acide quelconque, d’après un procédé qui a mal réussi par ma faute, le noir ayant recouvert les traits même les moins prononcés de l’empreinte ; ce qui m’a forcé de les dégager le mieux que j’ai pu, à l’aide d’un linge très doux. Mon objet était d’obtenir ainsi toutes les dégradations de teintes du noir au blanc sur cette planche d’argent plaqué. Malgré cela, je pense qu’avec plus de precautions, et un peu de dextérité, on pourrait tirer bon parti de ce procédé. Mais, vous ne vous êtes point trompé, Monsieur, en attribuant à l’action trop prolongée de la lumiere l’une des défectuosités les plus choquantes que vous avez remarquées. Malheureusement, il ne m’est pas possible de l’éviter avec un appareil dans lequel les devants sont si peu éclairés qu’il faut un temps considérable pour qu’ils puissent s’empreindre même légerement ; de là ces disparates et cette confusion produites par le changement de direction, tantôt oblique et tantôt opposée des rayons solaires. Pour parvenir à un succès décisif, il est indispensable que l’éffet ait lieu le plus promptement possible ; ce qui suppose une grande clarté et une grande netteté dans la représentation des objets : or il faudrait pour cela, une chambre noire aussi parfaite que celle de Mr Daguerre ; autrement je serai condamné à m’approcher plus ou moins du but, sans pouvoir jamais l’atteindre. Je me suis donc empressé de répondre à ses offres obligeantes de service, en lui proposant de coopérer avec moi, au perfectionnement de mes procédés héliographiques, et de l’associer aux avantages qui résulteraient d’une complette reussite. Je lui ai témoigné combien je désirais, Monsieur, en vous adressant la même proposition, trouver une garantie de plus de succès dans le concours de vos talens distingués. J’aime à me le persuader d’après le vif intérèt que vous voulez bien prendre à l’objet de mes recherches, et parceque d’ici à l’époque où l’on pourrait en utiliser les résultats, il ne s’agirait que d’expériences tendantes respectivement au but convenu, celui d’arriver par un commun effort au degré de perfectionnement nécessaire. Ce genre de travail ayant le plus grand rapport avec celui de la gravure, je me prevaudrais avec d’autant plus de confiance de l’offre que vous m’avez faite si genereusement, de votre burin ; mais, croyez que je n’en abuserais pas ; et que si mes espérances viennent à se réaliser, je me féliciterai surtout, d’avoir pu vous être de quelque utilité.

 

 

28 octobre 1829 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai reçu votre lettre qui m’a fait un sensible plaisir ; rien ne peut m’être plus agréable que de contribuer au succes d’une chose aussi interessante. Justement je m’occupais depuis un mois dans mes moments perdus de la combinaison d’un nouvel appareil de Chambre noire, car j’ai fait présent du mien dans mon dernier voyage en Allemagne ; il etoit d’une grande pureté, c’etoit une disposition de quatre verres achromatisés d’on le mérite etoit dans la combinaison des courbures ; de nouvelles recherches m’ont prouvé qu’il etoit possible non d’obtenir plus de lumière, car c’est toujours aux dépends de la neteté, mais plus de champ, ce qui etoit sont seul défaut. Je vais disposer cet appareil pour nos opperations. Je désirerais pour cela savoir si la substance absorbante peut se placer perpendiculairement ce qui simplifirai l’appareil. Veuillez me répondre, je vous prie, car il me faudra plus d’un mois pour faire exécuter cette combinaison. Quand aux petits arrangements la confiance que vous metez en moi me font un devoir de m’en rapporter entièrement à vous. Excusés moi si je suis aussi bref mais je termine en ce moment un grand tableau representant le Déluge ; il paraîtra le 45 quatre novembre ; après cela je pouroi donner au moins trois ou quatre heures par jour à nos recherches.

 

 

2 novembre 1829 – Augustin François Lemaitre à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai un peu tardé à vous répondre ; je désirais voir monsieur Daguerre auparavant, et mes occupations m’ont empêché de le faire plutôt. Monsieur Daguerre ayant très perfectionné la chambre noire et ayant une grande habitude de s’en servir, nul autre ne pourrait mieux que lui coopérer au perfectionnement de vos procédés ; aussi je vous félicite de vous associer à lui. Il n’approuve pas l’application de vos procédés à la gravure et désire que vous vous occupiez seulement de leur perfection ; je ne me dissimule pas non plus les difficultés que l’on aurait à vaincre en cherchant à multiplier par la gravure, car l’on serait obligé d’ajouter un travail manuel au travail primitif, tant par l’action des acides que par les retouches qu’il faudrait probablement ajouter. Cependant comme l’on ne doit renoncer à aucune chose avant d’avoir au moins tenté quelques essais, et que puisque vous avez reproduit des estampes par votre procédé, je crois à la possibilité de reproduire par la gravure des vues prises à la chambre noire. Je vous réitère l’offre que je vous ai déjà faite de coopérer à la réussite de ces essais par les connaissances que j’ai acquises dans les différents genres de la gravure, et je vous prie d’en user largement. J’accepte avec reconnaissance la proposition que vous me faites de m’associer aux avantages qui résulteraient en cas de réussite.

 

 

15 novembre 1829 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

J’ai commandé toutes les pièces de mon nouvel appareil, je pense que d’ici à une vingtaine de jours, il sera disposé à être monté. J’ai laissé l’image se peindre renversée, cela importe peu pour ce genre d’opération, et puisque la température élevée est plus convenable, dites-vous, il est nécessaire que la lumière conserve autant que possible son degré de calorique : Une réflexion ajoutée aux réfractions en absorbe toujours un peu ; mais puisque la substance adhère au corps qui la reçoit, il n’y a nul inconvénient à placer l’image verticalement. Quant à la force de cet appareil, comparée à toutes les chambres obscures <noire> connues, il est comme 3 à 1. Mr Chevalier a eu la bonté de m’envoyer l’essai dont vous m’avez parlé ; il y a des choses trèsbien, mais aucune des finesses de l’original dans les plus grandes lumières n’y sont fixés. Cela vient je ne peux en douter, de la reflexion des rayons divergens <rayons lumineux> que renvoye votre <planche> de métal ; peut être aussi que le calorique se communique trop facilement dans les molécules de votre corps absorbant. Je l’avais déjà pensé en voyant votre essai de point de vue d’après nature ; les grandes lumières ont dévoré les petites nuances qui ont dû se trouver parmis la couleur locale de la substance jointe à la réflexion métallique ont sans doute contribué à embraser tout ce qui se trouvait au centre des grandes lumières, et c’est la véritable cause sans doute, à laquelle il sera possible de remédier. J’ai vu aussi Mr Lemaitre. Je ne lui ai pas caché que je ne croyais pas la chose assez avancée pour s’occuper des moyens de gravure et qu’en second lieu, selon moi, le secours du <burin> ne deviendrait nécessaire qu’autant qu’il serait impossible de parvenir autrement ; en effet, aussitôt qu’il sera indispensable d’y mettre le talent d’un graveur, la découverte perdra tout son intérèt. La nature a ses naïvetés, qu’il faut bien se garder de détruire ; il s’agira seulement de la choisir, en raison des possibilités des moyens ; la grande habitude que j’ai de me servir de la chambre noire nous offrira à cet égard ce qui est nécessaire. Mon avis est que nous étudions ce procédé de manière à ce qu’il fasse époque ; pour cela il faudra le présenter avec toute sa simplicité ; il sera toujours tems d’en faire toute autre application. Je désirerais savoir comment vous pensez que nous allons opérer ; si vous avez l’intention de venir pour cela à Paris ou si vous pensez que nous communiquerions par écrit ; veuillez me dire ce que vous avez l’intention de faire à ce sujet.

 

 

27 novembre 1829 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

Avant de présenter votre acte de société à Monsieur Lemaitre, je désirerai savoir au juste à quel point vous vous êtes engagé envers lui. les offres qu’il vous a faites prouvent son obligence, mais ne peuvent ce balancer avec les ammeliorations que je puis y apporter, d’abord par ma chambre noire, ensuite par les nombreuses expériences que j’ai fait sur la lumière. Comme vous le dites fort bien, il y a du danger en doublant votre notice de procédés ; il y a le même danger à mettre un troisième dans la confidance. Je désirerais, Monsieur, et cela pourroit donnez quelque valeur au Procédé dans le Commerce que mon nom soit ajouté seul au votre, que dans tous les actes qui pourrait en être la suite, il soit inscrit ainsi heliographie inventé par Monsieur Niépce et perfectionné par Monsieur Daguerre. Pardonnez moi cette exigence, mais cela présente un caractère tout autre que je ne l’avais d’abord jugé : je croyais seulement vous donner quelques conseils, ce que je ferai toujours avec bien du plaisir dans le cas où ma proposition ne vous conviendrait pas, mais pour être associé il faut au moins que je trouve une conpansation d’honneur au procédé que cela me forcera d’abandonnée, car vous n’ignorez pas, Monsieur, que mes recherches sur la lumière quoique partis d’un point tout différent ont un meme but. Pour accélérer cette affaire, si ma proposition vous convient, j’ai transcrit l’act avec les changemt que j’ai jugé nécessaire (…)

 

 

29 novembre 1829 – Louis Jacques Mandé Daguerre à Nicéphore Niépce (ASR)

Je viens de faire part à Monsieur Lemaitre qui sort de chez moi de la proposition que je vous ai adressée ; il l’approuve, parce que sous le rapport de ce qui le concerne ce moyen ne peut servir que comme ébauche, ce qui est bien loin du but proposé, puisque l’on désire au contraire le mettre à la portée des personnes qui n’auraint aucune connaissance dans l’art du dessin ni de la gravure ; il demande seulement, et cela est tres juste, que si par suite on desirait faire voir l’avantage qu’un graveur pourrait tirer de cette ebauche, je dis ébauche parce que jamais le métal ne sera assez attaqué pour tirer des épreuves et que la lithographie a déjà tant servi à multiplier de mauvaises choses sans y ajoutter encore par celle cy. C’est pour cela que j’ai cru devoir supprimer toute comparaison ; ceci est une chose tout à fait à part, car je ne vois pas encore la posibilité de faire des figures d’après nature ; c’est cependant l’objet qui présenterait le plus d’intérèt. Sous ce rapport vous voyez, Monsieur, que c’est encore loin de la lithographie : que le champ que votre procédé laisse entrevoir est encore bien retreci, mais au moins ayons l’espoir de l’agrandir. Il est tout naturel que vous ayez fait plusieurs applications de votre procedé mais il faut les diriger presentement sur un seul point ; il s’agit de prendre celui qui presente le plus de précision, les autres viendront tout naturellement ; c’est moins de la diversité des moyens que dans la perfection qu’il faut viser. Si vous adhérez à ma proposition, j’ai l’intention d’aller moi-même a Châlon pour signer l’act et prendre la notice. Je désirerai que vous rassembliez tous vos essais, s’il est possible, reussi ou non, afin que d’un coup d’oeil je puisse voir de suite le côté ou je dois diriger mes études.

 

 

14 décembre 1829 – Bases du traité provisoire d’association Niépce – Daguerre (ASR)

Entre les soussignés, Mr Joseph Nicéphore Niépce, propriétaire, demeurant à Chalon sur Saône, dépt de Saône-et-Loire, d’une part ; et Monsieur Louis Jacques Mandé Daguèrre, artiste-peintre, membre de la Légion d’honneur, administrateur du Diorama, demeurant à Paris au Diorama, d’autre part ; Lesquels pour parvenir à l’établissement de la Société qu’ils se proposent de former entre eux, ont préalablement exposé ce qui suit. Mr Niépce, désirant fixer par un moyen nouveau sans avoir recours à un dessinateur, les vues qu’offre la nature, a fait des recherches à ce sujet ; de nombreux éssais, constatant cette découverte, en ont été le résultat. Cette découverte consiste dans la reproduction spontanée des images reçues dans la chambre noire. Mr Daguèrre auquel il a fait part de sa découverte, en ayant apprécié tout l’intérèt, d’autant mieux qu’elle est susceptible d’un grand perfectionnement, offre à Mr Niépce de s’adjoindre à lui, pour parvenir à ce perfectionnement, et de s’associer pour retirer tous les avantages possibles de ce nouveau genre d’industrie. Cet exposé fait, les sieurs comparants ont arrêté entre eux de la manière suivante, les statuts provisoires et fondamentaux de leur association. Art 1r. Il y aura entre Messieurs Niépce et Daguèrre société, sous la raison de commerce Niépce et Daguerre, pour coopérer au perfectionnement de la dite découverte, inventée par Mr Niépce, et perfectionnée par Mr Daguerre (…)

 

 

1830


18 février 1830 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Dans une position telle que la mienne, contrarié sans cesse dans le désir de m’y soustraire au plus tôt à quelque prix que ce soit, et presque uniquement préoccupé de cette pénible idée, vous concevez que je ne pouvais suivre avec la même ardeur, mes recherches héliographiques. cependant, un essai du point de vue d’après nature, que j’envoyai à Mr Daguerre du Diorama, parut fixer son attention, et en me répondant à ce sujet, il m’offrit ses services de la maniere la plus désintéressée ; cequi me décida à les accepter. il est bon de savoir que Mr Daguerre très-habile opticien, a inventé une chambre noire perfectionnée dont la force est dans le rapport de 3 à 1 avec les meilleurs appareils de ce genre ; et je ne pouvais plus, cher Cousin, me dissimuler que je prétendrais vainement à un succès décisif, sans le secours d’une pareille Machine. Ainsi, cette seule considération suffisait pour me déterminer. Mr Daguerre est donc venu ici, il y a deux mois, et nous nous sommes liés réciproquement, par un traité provisoire d’après lequel il ne sera donné de publicité à ma découverte que lorsqu’elle aura atteint le degré de perfection jugé nécessaire. ce travail va se trouver spécialement à la charge de mon associé ; et pour prononcer sur les avantages de la nouvelle chambre obscure, il faut attendre le retour de la belle saison. mais je ne resterai pas oisif pour cela, car j’aurai à m’occuper de recherches qui ne seront pas sans utilité.

 

 

18 avril 1830 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (MNN)

Mr Daguèrre est très peiné de ce déplacement imprévu qui l'empêche d'achever aussitôt qu'il l'eût désiré, un nouveau point de vue pour son Diorama de Paris et qui vient surtout, interrompre si mal à propos, ses expériences héliographiques au moment où elles lui offraient le plus d'intérèt. Il ne paraît pas trop probable, d'après cela, qu'il puisse les reprendre avant les premiers jours de juin ; mais alors il sera libre jusqu'à la fin de décembre. il est à croire qu'à cette époque, toutes ses recherches et les miennes seront terminées.

 

 

13 juillet 1830 – Nicéphore Niépce à Isidore Niépce (BNF)

Depuis mon retour, j'ai repris mes occupations habituelles. Quelques changemens au mode d'application de la matière première, m'ont fourni sous plusieurs rapports, des résultats bien préférables aux précédens ; cequi m'a fait abandonner très décidément le procédé de Mr. D... Après plusieurs jours de réflexion sur la nature du principe de ma découverte, je crois aussi avoir deviné dans quelle partie des substances employées, réside ce principe. On pourrait, d'après cela, l'isoler et par suite, obtenir un bien plus grand degré de vitesse. Je ne puis t'en dire d'avantage là dessus pour le moment : il faut que l'expérience vienne à l'appui de ceque je ne puis guère encore regarder que comme une conjoncture ; mais j'espère, d'ici à ma prochaine lettre, être à même de t'apprendre là dessus quelque chose de plus positif. Je suis si pressé de tirer l'affaire au clair que je finis ex abrupto la présente.

 

 

24 août 1830 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (MNN)

Mr Daguèrre (…) est venu passer ici une quinzaine de jours dans le courant de juin. nous avons, pendant cette moitié de mois, travaillé sans relâche du matin au soir ; mais, quoique nous ayons fait d'importantes améliorations à mes procédés, nous n'avons pas encore obtenu, sous le rapport essentiel de la promptitude, un résultat qui nous permette de nous servir utilement de la chambre noire que Mr Daguerre m'a apportée. c'est la dernière et la plus grande difficulté que nous ayons à vaincre ; aussi nous en occupons nous exclusivement ; car, après sa solution, le reste n'est plus qu'un jeu. nous nous comuni[quons] réciproquement nos recherches à ce sujet, et il m'annonce pour sa prochaine lettre, des détails intéressans que je suis empressé de connaî[tre.] Aussitôt que nous en serons à pouvoir prendre des points de vue, je ne manquerai pas, cher Cousin, de vous en donner avis ; mais, jusqu'à présent, je ne présume pas que ce soit aussi promptement que je le désirerais. cequ'il y a de bien certain c'est que dans ce cas, Mr Daguerre se rendra de suite ici.

 

 

1831


6 janvier 1831 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Depuis que Mr Bouton s’est retiré du Diorama, Mr Daguèrre se trouve seul chargé de la confection des Tableaux, et de la gérence [sic] de l’établissement. il est venu nous voir, comme vous le savez, dans le courant de juin ; d’après cequ’il m’a écrit postérieurement, c’est, selon [toute] apparence, pour la dernière fois ; ses trop nombreuses occupations ne lui laissant plus la faculté de se déplacer, ni même, à son grand regrèt, celle de consacrer à mes recherches tout le temps qu’il désirerait. j’espère savoir bientôt, qu’il a pu les reprendre, et je souhaite que ce soit avec succès quant à la seule difficulté qui nous reste à surmonter ; la promptitude de l’éffet, condition sine qua non, à son avis. c’est là que tendent aussi tous mes éfforts : j’ai lieu de croire qu’ils ne seront pas infructueux à en juger par les résultats très récents que j’ai obtenus à ce sujet.

 

 

24 février 1831 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

Mr Daguèrre m’a écrit dans le temps, pour m’annoncer la prochaine exhibition de son nouveau tableau du Diorama. il se proposait de donner bientôt suite à mes recherches héliographiques, en s’occupant d’une série d’expériences qu’il avait été forcé d’interrompre ; expériences dont le résultat est d’autant plus intéressant qu’il donnerait la solution de la seule difficulté que nous ayons encore à surmonter ; celle de la promptitude sous le rapport de la production de l’éffet. c’est aussi la chose à laquelle je m’attache essentiellement, et mes éfforts, j’ose le dire, n’ont pas été sans succès ; mais j’ai besoin de trouver un auxiliaire dans les procédés que fournit l’optique et qui sont plus particulierement de la compétence de mon collaborateur. au retour de la belle saison, j’en aurai un autre dans la personne d’Isidore, et qui ne manquera pas plus d’intelligence que de bonne volonté. j’ai dédoublé ma nouvelle chambre noire pour lui en faire une qui est à peu près terminée. il en a combiné à sa maniere, le mécanisme intérieur, et l’a exécuté lui même aussi bien qu’il aurait pu l’être à Paris. il se trouvera par là en mesure d’opérer avec moi, aussitôt que le temps le permettra.

 

 

 

1832


14 janvier 1832 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

je regrette, cher Cousin, de n’avoir encore rien de nouveau à vous apprendre sur le résultat présumé de mes recherches héliographiques. Grâce aux exigences de Mr Daguèrre mon associé, qui persiste à vouloir que la production de l’éffet, ait lieu en moins de 5 minutes, et cela comme condition absolue du succès ; je ne me trouve guère plus avancé qu’il y a un an, quoique à dire vrai, je ne sois pas resté tout à fait stationnaire ; mais l’espace qui reste à parcourir, est si vaste, si peu praticable, qu’il faut véritablement bien du courage, peut-être même bien de la présomption pour ne pas désespérer d’atteindre le but. toute fois et malgré de tristes préoccupations de plus d’un genre, au milieu du charivari général, je suis loin de lâcher prise. je me rappelle ce vers de Virgile : possunt quia posse videntur, et je n’en persiste pas moins à donner suite à mes recherches.

 

 

10 février 1832 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

j’ai reçu dernierement, des nouvelles de Mr Daguèrre. depuis les évenemens de juillet, son Diorama a subi des pertes considérables. les démarches réitérées qu’il a faites à ce sujet, auprès du gouvernement, pour obtenir quelque secours ou du moins son appui, ont été sans résultat ; et il a l’intention de quitter la France pour se fixer en Angleterre : mais avant d’en venir-là, il se propose, maintenant qu’il est libre, de coopérer d’une maniere plus active, à mes recherches, et de se rendre auprès de moi aussitôt que la belle saison le permettra, soit pour en perfectionner les diverses applications, soit pour utiliser celles qui, sous ce rapport, offriront plus de chances de succès. en attendant, il va se livrer à une suite d’expériences sur des procédés d’optique dont il augure d’heureux résultats. de mon côté, je ne resterai pas en arriere quant à cequi réclamera de ma part, du zèle, de l’activité et de la persévérance.

 

 

 

1833


12 février 1833 – Nicéphore Niépce à Alexandre du Bard de Curley (BNF)

par suite de la vente de la majeure partie de mes propriétés et des charges dont je suis grêvé, il ne m’est guère possible de faire des économies sur mes revenus (…) je n’ai pas voulu, toute réflexion faite, la différer jusqu’à la mise en activité des moyens d’exploitation de ma découverte, bien que j’aie lieu d’espérer que ses résultats probables pourront, dans la circonstance, nous offrir d’utiles ressources, et peut-être même quelque compensation pour l’avenir (…)

Nous profitons de la morte saison pour nous mettre à même d’opérer aussitôt que le beau temps nous le permettra ; cequi pour les points de vue, ne peut guère avoir lieu avant le mois de mai. au reste, nous avons jusque-là, bien de quoi nous occuper, car nous sommes encore dépourvus d’appareils indispensables ; et il faut qu’au sortir de chez l’ouvrier, ils passent dans les mains de mon fils qui peut seul et pour cause les disposer convenablement à leur destination. de mon côté, je trouve dans ce genre de travail, une diversion dont j’ai grand besoin ; dussé-je, par de trompeuses illusions, m’abuser encore sur une bien triste réalité. Mr Daguèrre fait dans ce moment, un nouveau tableau pour le Diorama : c’est une vue de la forêt des Ardènes. ce tableau doit être terminé à la fin de mars. mais Mr Daguèrre ne s’en tient pas à cela : notre affaire l’intéresse trop pour qu’il ne s’en occupe pas sérieusement ; aussi passe-t-il dans son laboratoire, tout le temps qu’il ne passe plus dans son attelier. nous l’attendons ici, dans le courant du mois de mai prochain, pour travailler avec nous à la collection d’un certain nombre d’épreuves qui méritent de paraître en public.