Le contexte scientifique des travaux de Niépce
1753
L'Académie des Sciences ouvre un concours visant à proposer « des moyens de suppléer à l'action du vent pour la marche des vaisseaux ». Le lauréat est le physicien Daniel Bernoulli (1700-1782). Il présente, dans son Mémoire, tous les moyens connus mais rejette la possibilité d’utiliser la vapeur comme force motrice pour la navigation.
Publication de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
1765
Période d’émergence de la chimie des gaz : le britannique Henry Cavendish (1731-1810) découvre « l’air inflammable » que Lavoisier baptisera « hydrogène ».
19 mars : le dictionnaire philosophique de Voltaire est condamné à être lacéré et brûlé.
1777
Dans son Traité chimique de l’air et du feu, Carl Wilhelm Scheele (1742-1786) relate ses expériences relatives au noircissement du chlorure d’argent à la lumière. Il met notamment en évidence deux propriétés de cette substance : le chlorure d’argent est soluble dans une solution aqueuse d’ammoniac ; il devient insensible à la lumière lorsqu’il est immergé dans une solution d’acide nitrique. Scheele réalisa l’expérience d’étendre des sels d’argent sur une feuille de papier et d’y projeter le spectre de la lumière du soleil décomposé par un prisme.
1778
Le chimiste français Antoine Lavoisier (1743-1794) identifie et baptise l’oxygène. Il détermine son rôle dans le phénomène de combustion et invalide par la même occasion la théorie de la « phlogistique » (qui cependant mettra un certain temps avant d’être définitivement abandonnée).
1782
À Genève, le prêtre Jean Senebier (1742-1809) publie le résultat de ses travaux consacrés à la chimie de la lumière sous le titre : Mémoires physico-chimiques sur l'influence de la lumière solaire pour modifier les êtres des trois règnes de la nature. Il expérimente le chlorure d’argent et en constate les propriétés photosensibles. Comme Scheele en 1777, il étudie les effets du spectre de la lumière sur un support sensibilisé. Certaines des substances étudiées dans son ouvrage (résine de gaïac, essence de lavande, etc.) seront utilisées par Niépce sans que l’on sache si ce dernier a eu connaissance de ce livre.
4 juin : les frères Montgolfier lancent le premier ballon à air chaud à Annonay.
1783
15 juillet : à Lyon, Claude Dorothée de Jouffroy d’Abbans expérimente sur la Saône son « pyroscaphe », un bateau équipé d’une roue à aubes actionnée par une machine à feu (premier bateau à vapeur).
1784
Le Président des États-Unis Thomas Jefferson, en visite en France, se rend à Marly pour y observer la Machine qui alimente en eau le château de Versailles depuis son inauguration par Louis XIV le 13 juin 1684.
1785
Lors d’une expérience en public, Lavoisier établit que l’eau n’est pas un élément mais un corps chimique formé de plusieurs éléments. Il fut le premier à réaliser la décomposition de l’eau.
1790
Claude Louis Berthollet (1748-1822) publie Éléments de l’Art de la Teinture qui comporte une description du blanchiment par l’acide muriatique oxygéné (le chlore).
1791
7 janvier : adoption par l’assemblée révolutionnaire d’une loi de protection des inventions : les brevets d’inventions vont désormais remplacer les lettres patentes royales.
25 mai : loi constituant le « règlement d’exécution » de la loi du 7 janvier relative aux brevets.
1797
8 septembre : loi interdisant 42 journaux et autorisant la déportation de leurs directeurs, auteurs, etc.
1799
Senefelder obtient un privilège exclusif d’exploitation de son invention en Bavière. La lithographie naissante sert alors à imprimer des partitions musicales.
1801
Introduction de la lithographie à Vienne. Dépôt d’un brevet d’invention à Londres.
Johann Wilhelm Ritter (1776-1810) met en évidence l’existence des ultraviolets, rayons invisibles dont il a constaté l’effet sur un papier enduit de chlorure d’argent et exposé à la lumière.
1802
Dépôt d’un brevet d’importation et introduction de la lithographie à Paris par l’un des associés de Senefelder, Friedrich André.
Thomas Wedgwood (1771-1805), fils du célèbre céramiste anglais, publie dans le Journal of the Royal Institution of Great Britain un « rapport sur une méthode pour copier les peintures sur verre et pour faire des profils, par l’action de la lumière sur le nitrate d’argent » avec la collaboration de Humphry Davy (voir en 1814). Les images, obtenues par contact, ne sont pas fixées, et les résultats des essais dans la camera obscura s’avèrent nuls. Davy, en utilisant le microscope solaire, obtiendra de meilleurs résultats.
4 décembre : décret du Premier Consul Bonaparte ordonnant le remplacement de la Machine de Marly.
1803
Thomas Young utilise un papier enduit de nitrate d’argent pour enregistrer l’image des anneaux de Newton projetée au moyen d’un microscope solaire (cf. essais de Davy en 1802). Il obtient une image non fixée.
Dominique Vivant Denon (1747-1825) découvre la lithographie. Dans les années qui suivent, il voyage en Europe avec les armées de Napoléon et se familiarise avec cette technique en Allemagne.
Berthollet publie son Essai de statique chimique dans lequel il évoque les propriétés du chlorure d’argent (« le muriate d’argent noirci à la lumière se dissout en entier dans l’ammoniaque, comme celui qui a conservé sa blancheur »). Niépce, qui utilisera ce produit photosensible en 1816, consulta peut-être cet ouvrage.
1804
Le physicien et chimiste britannique John Dalton (1766-1844) est le premier à formuler les idées de ce qui deviendra la théorie atomique.
24 février : au Pays de Galles, une locomotive à vapeur traînant six wagons chargés d’hommes et de matériel effectue un parcours de quinze kilomètres
1806
En Grande-Bretagne, William Hyde Wollaston dépose un brevet pour son modèle de « chambre claire » (ou « camera lucida »), un dispositif optique d’aide au dessin.
21 novembre : suite à la défaite de Trafalgar, promulgation du décret de Berlin instaurant un Blocus continental contre le Royaume-Uni (le but étant de ruiner l’économie britannique en provoquant une inflation générale des prix). À compter de cette date, la France va devoir pallier le manque de certains produits qui étaient auparavant importés des colonies (sucre, indigo).
1811
Abandon du projet de Perier à Marly. Mise en place d’une machine provisoire (œuvre de Cécile et Martin).
Souhaitant donner aux 600 000 soldats de la Grande Armée des uniformes bleus, Napoléon offre une récompense de cent mille francs à « celui qui parviendrait à extraire du pastel une fécule bleue capable de remplacer l’indigo » (le Blocus continental en interdisant l’importation).
Le chimiste Bernard Courtois (1777-1838) découvre de manière fortuite un corps nouveau auquel Gay-Lussac donnera le nom d’iode.
En Angleterre, William Hyde Wollaston (voir en 1806) démontre l’influence des rayons ultraviolets dans la transformation de la résine de gaïac (matériau photosensible utilisé par Niépce).
Publication de la traduction française du Dictionnaire de Chimie (1807-1810) de Martin Heinrich Klaproth (1743-1817), scientifique allemand considéré comme le père de la chimie analytique. Niépce utilisera son dictionnaire au cours de ses recherches sur la lumière mais également lors de ses expériences sur le Pyréolophore.
1812
20 février : publication d’une brochure intitulée : Instruction sur la culture et la préparation du pastel et sur l’art d’extraire l’indigo des feuilles de cette plante, publiée par ordre du ministre des Manufactures et du Commerce, Jean-Baptiste Henry Collin Comte de Sussy (1750-1826).
Pressentant l’avenir de la lithographie, le comte Charles Philibert de Lasteyrie (1759-1849) se rend en Allemagne pour étudier ce procédé et acheter les secrets de cette invention. Il y retournera en 1814. Niépce sera brièvement en contact avec lui en octobre 1816.
Aux États-Unis, le peintre et inventeur du télégraphe (1840) Samuel Morse (1791-1872), tente d’obtenir des images à l’aide d’une chambre obscure.
1813
31 mars : l’État fixe des primes pour relancer les recherches relatives à l’extraction de l’indigo à partir du pastel. Il offre trois à cinq francs en fonction de la quantité produite et à condition de pouvoir produire un minimum de cinquante kilogrammes d’indigo par an.
1814
Janvier : le scientifique anglais Sir Humphry Davy (1778-1829) signale, lors d’une communication à la Royal Society, la possibilité d’obtenir, à l’aide de l’iode (élément chimique identifié en 1811), un sel d’argent de couleur jaune sensible à la lumière (iodure d’argent). Il s’agit d’une substance que l’on retrouve dans les travaux de Niépce et Daguerre.
4 avril : abdication de Napoléon. Louis XVIII, roi de France. Le gouvernement provisoire met fin au Blocus continental instauré en 1806.
1816
29 mars : arrivée à Paris de L’Élise, premier bateau à vapeur à avoir traversé la Manche et remonté la Seine (c’est le Français Pierre Andriel qui avait eu l’idée de cette traversée qui eu lieu le 17 mars 1816 entre Newhaven et Le Havre et dura 18 heures). L’embarcation accoste sur le quai du Louvre, devant une foule immense. Elle effectue plusieurs démonstrations dans les jours qui suivent avant de repartir vers la Normandie (cette opération était destinée à convaincre l’opinion publique des avantages de la navigation à la vapeur).
Juillet : à Paris, la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale lance un concours pour trouver, en France, des carrières de pierres calcaires pouvant être employées pour la lithographie.
12 juillet : un baron allemand de 32 ans, Karl Drais, inaugure sa nouvelle invention, la draisienne, sur un parcours de 14 kilomètres. Cette ingénieux appareil, ancêtre du vélo, se répand assez vite en Europe. Nicéphore Niépce possèdera une draisienne dès 1818 (il la désignera sous le terme « vélocipède », y apportera des améliorations et envisagera même de la motoriser ! – cf. Lettre de Nicéphore à Claude Niépce, 16 septembre 1824, ASR).
20 août : à Paris, Jouffroy d’Abbans lance sur la Seine le Charles Philippe (ainsi nommé en l’honneur de son parrain le Comte d’Artois), une version améliorée du « pyroscaphe », son premier bateau à vapeur qu’il avait présenté sur la Saône en juillet 1783. Une foule importante est présente sur les quais mais également aux fenêtres du Palais des Tuileries, depuis lequel la famille royale observe l’essai qui est un triomphe. Peu de temps après, Jouffroy d’Abbans installe un chantier naval à Chalon-sur-Saône.
5 octobre : Quatremère de Quincy (1755-1849), secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, lit un rapport favorable à la lithographie. Des artistes de l’Académie ont essayé ce nouveau procédé et ont constaté ses qualités.
6 novembre : la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale propose, pour les années 1817 et 1818 un nouveau « prix pour la découverte en France d’une carrière de l’espèce de pierre la plus propre à la lithographie ».
1817
25 août : arrêt définitif et démolition de la Machine de Marly.
8 octobre : une ordonnance royale réglemente l’impression lithographique.
1819
Traduction et publication du traité de Senefelder, L’art de la lithographie, en France et en Angleterre.
1820
Ouverture de l’imprimerie de Senefelder à Paris. À cette époque, plusieurs imprimeries lithographiques existent dans la capitale.
13 février : assassinat du duc de Berry, héritier du trône, neveu du roi Louis XVIII et fils du futur Charles X.
26 mars : suppression des libertés individuelles.
30 mars : rétablissement de la censure.
1821
8 février : élection du dessinateur et botaniste Francis Bauer à la Société Royale de Londres (The Royal Society of London for the Improvement of Natural Knowledge).
1822
11 juillet : ouverture du Diorama de Daguerre.
6 septembre : fermeture de l’École Normale Supérieure.
21 novembre : fermeture de la faculté de médecine de Paris.
1823
L’opticien Charles Chevalier met au point un prisme ménisque, breveté la même année sous le nom de son père, Vincent, dont il est alors l’employé.
1824
Sadi Carnot (1796-1832), fils de Lazare Carnot (qui avait rédigé le rapport sur le Pyréolophore pour l’Académie des Sciences en 1806), publie à Paris un ouvrage intitulé Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance dans lequel il évoque (p. 110) le moteur inventé par les frères Niépce.
1828
Joseph Lemercier ouvre la plus vaste imprimerie lithographique de Paris.
L’Américain James Wattles tente de conserver la trace des images qui se forment dans la camera obscura à l’aide de papier sensibilisé au nitrate d’argent. Il obtient des négatifs qu’il ne parviendra pas à fixer : « En environ quarante cinq minutes, je perçus clairement l’effet, dans le noircissement progressif des différentes parties de la vue (…) Je devins convaincu de la possibilité de produire de belles images solaire de cette façon, mais hélas ! mes images disparaissaient » écrira-t-il en 1849.
Dans le volume 5 de son ambitieux ouvrage Lectures on Comparative Anatomy, publié à Londres cette année là, Sir Everard Home écrit : “A French gentleman has just discovered a substance by means of which he can so prepare any polished surface of silver or tin, that the sun’s ray reflected from any object will be so fixed as to leave its image. The discovery he considers not brought to perfection, and therefore has not promulgated it: he presented me a specimen of this art, which will prove a very valuable discovery, since the outline of the representation must be perfectly accurate, however much it is diminished” (p. 284).
1er octobre : mise en service de la première ligne de chemin de fer (à traction animale) en France (Saint-Étienne – Andrézieux).
1830
Paris compte 20 ateliers lithographiques employant 450 ouvriers.
28 juin : à Saint-Étienne, Marc Seguin réalise des essais de locomotive à vapeur sur la seconde ligne de chemin de fer en France (Saint-Étienne – Lyon). Niépce n’y fera aucune allusion dans ses lettres, trop absorbé par ses recherches sur l’héliographie.
1833
15 janvier : première trace écrite du mot « photographie » : au Brésil, Hercule Florence (1804-1879), inventeur d’un procédé d’impression (la polygraphie), utilise des produits photosensibles (nitrate d’argent, chlorure d’or) pour réaliser des « dessins photographiés » par contact avec des images réalisées sur verre (il utilisera également la camera obscura mais de façon ponctuelle). Son but est d’obtenir des matrices permettant de réaliser des tirages multiples d’une même composition afin de produire des images en série (pour créer des étiquettes pour pots à pharmacie par exemple). Il semblerait qu’il ait été le premier à utiliser le terme « photographie » (dans son journal d’expériences). Des exemples de ses travaux sont conservés au Brésil.